En avril dernier, la Pologne tentait de faire passer une loi qui restreindrait l'avortement et l'accès à l'éducation sexuelle. Si le projet a été soumis à un débat plus approfondi, et ne sera donc pas voté prochainement, les droits des femmes restent sérieusement mises à mal dans le pays d'Europe de l'Est.
La semaine dernière, le gouvernement de Varsovie a ainsi annoncé qu'il souhaitait se retirer de la Convention d'Istanbul, un traité adopté en 2011 par le Conseil de l'Europe qui rassemble 47 pays européens afin de lutter contre les violences faites aux femmes.
En 2012, lors de la signature du texte, le ministre de la Justice polonais Zbigniew Ziobro le décrivait comme "une invention, une création féministe qui vise à justifier l'idéologie gay". Aujourd'hui, il le qualifie carrément de "nuisible", car il exige des écoles qu'elles enseignent aux enfants la notion de genre, violerait les droits des parents et "contiendrait des éléments de nature idéologique", détaille la BBC.
Le membre du gouvernement présentera ce lundi un document officiel demandant au ministère de la Famille de préparer la dénonciation du traité, rapporte quant à elle l'AFP. Une décision dramatique, qui effraie les militant·e·s féministes. Mais scandalise aussi l'Europe.
Vendredi 24 juillet, les Polonais·e·s étaient deux mille à avoir répondu à l'appel des organisations féministes. Ils·elles se sont retrouvé·e·s devant le siège d'une ONG de recherche et de lobbying en faveur de "l'identité culturelle". Les activistes l'accusent de défendre le "fondamentalisme religieux" catholique, détaille l'Agence France Presse.
Du côté de l'Union européenne, les critiques ont également été nombreuses. D'abord, la secrétaire générale de l'institution de défense des droits de l'Homme et de l'Etat de droit, Marija Pejcinovic Buric, s'est alertée : "Quitter la convention d'Istanbul serait fortement regrettable et serait un important recul dans la protection des femmes contre la violence en Europe".
L'Espagnole Iratxe Garcia Perez, présidente du groupe S & D au Parlement européen, a elle jugé "honteux qu'un État membre de l'UE veuille se retirer de la convention d'Istanbul" et assuré soutenir "les citoyen·ne·s polonais·e·s qui descendent dans la rue pour exiger le respect des droits des femmes".
Le Roumain Dacian Ciolos, président du groupe Renew, précise à son tour que "la lutte contre la violence à l'égard des femmes n'est pas une idéologie, mais une obligation morale". Et dénonce : "Utiliser la lutte contre la convention d'Istanbul comme un instrument pour afficher son conservatisme est une nouvelle manoeuvre pitoyable et pathétique de la part de certains au sein du gouvernement polonais".
La Hongrie et la Slovaquie ont elles aussi rejeté leur ratification à la Convention d'Istanbul, respectivement en mai dernier et en mars 2019. Le premier gouvernement y voyait, lui aussi, la promotion "l'idéologie destructrice du genre" et de la "migration illégale". Le deuxième s'insurgeait contre son incompatibilité avec la définition du mariage dans la Constitution locale comme une union hétérosexuelle.
En Croatie, en mars 2018, des milliers de citoyen·ne·s ultra-conservateur·ice·s manifestaient dans les rues contre la ratification de leurs pays, soutenant, une fois encore, que le texte allait dans le sens de la "théorie du genre". Cependant contrairement à ses voisins, le gouvernement d'Andrej Plenković a rejoint quelques mois plus tard la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.