The Voice of Libyan Women (La voix des femmes libyennes), présente dans les villes de Tripoli et Zawia, est une ONG regroupant des femmes d’âge et d’horizon différents, déterminées à porter les revendications des femmes libyennes et accompagner leur désir brûlant de prise de parole. Leur objectif consiste à créer une agora grâce à laquelle chaque femme pourra s’emparer de son propre futur, à l’horizon d’une Libye libérée.
Alaa Murabit : Nous organisons aujourd’hui même une manifestation devant le bureau du Premier ministre [Abdel-Rahim al-Keeb, qui occupe des fonctions intérimaires avant les élections législatives de juin ndlr] à Tripoli. Nous avons appelé tous les citoyens libyens à nous rejoindre en signe de protestation contre cette mesure.
A.M. : Nous respectons totalement le CNT, et nous le remercions pour tous les efforts et le travail qu’il accomplit. En revanche, sur ce cas précis, nous sommes en désaccord avec lui et pensons qu’il n’a pas abordé le problème correctement.
A.M. : The Voice of Libyan Women organise à l’heure actuelle des ateliers itinérants et des séminaires qui ciblent les villes de plus petite taille qui ne bénéficient pas d’un accès facile à Internet. Pour l’instant, ces ateliers itinérants d'information se sont tenus dans cinq villes, comme Jadu, Ehrabat, Zaouïa, et deux autres sont prévus le 5 janvier à Sermon et Sabratha. Un voyage de trois jours dans les montagnes débutera le 7 janvier.
A.M. : J’ai bien peur qu’à moins que les femmes s’unissent et jouent un rôle actif dans les secteurs politique et économique, elles conserveront le rôle qui leur a toujours été dévolu dans la société libyenne. Le pire dans tout ça, c’est que la large contribution que nous pouvons apporter à notre société sera délibérément ignorée, simplement parce que nous sommes des femmes. Il est bien triste qu’une esquisse de loi électorale puisse retenir un quota de seulement 10% pour la représentation des femmes. Tout ça indique clairement que la société libyenne tout entière, et plus important encore, les décisionnaires et hommes de pouvoir, doivent apprendre à reconnaître tous les bénéfices que peuvent apporter les femmes dans le domaine politique, et plus largement dans la société libyenne.
A.M. : Les gens compliquent le problème par ignorance. La question n’est pas tant de savoir si nous pouvons ou non appliquer les lois islamiques afin que les droits des femmes soient respectés. Le nerf du problème, c’est de savoir si les gens comprennent les droits que ces lois donnent précisément aux femmes. Nous croyons par-dessus tout que c’est seulement par l’Islam que nous pouvons vraiment convaincre la population, et, plus important encore, que les femmes libyennes s’empareront de leurs droits. Si nous envisageons les droits des femmes en les séparant de l’Islam, alors il est extrêmement probable que les femmes qui choisissent de s’en emparer soient considérées comme laïques ou pire encore. Et cela ne fera qu’entraver le mouvement des femmes en Libye. Si nous ne respectons pas et ne comprenons pas notre religion, nous n’avons aucune chance de changer notre culture et la société.
A.M. : Nous ne croyons pas que le silence soit de mise sur ce sujet. En revanche, notre préoccupation concerne maintenant le manque d’éducation sur la violence, et le fait fâcheux que les femmes victimes d’abus sexuels pendant la révolution ne sont pas traitées aussi héroïquement que les hommes qui ont combattu avec courage. Nous espérons qu’avec une sensibilisation de la population, grâce notamment à des ateliers, des séminaires mais aussi grâce aux médias, nous parviendrons à éduquer davantage le public afin que ces femmes soient traitées comme des survivantes. Nous sommes aussi venues en aide à plusieurs femmes d’une façon plus personnelle. The Voice of Libyan Women collabore activement avec la Fédération Internationale des Droits de l’Homme [une ONG présente dans une centaine de pays, et qui regroupe 164 ligues membres ndlr] sur ce point.
A.M. : Pendant la Révolution, et immédiatement après, la perception des femmes et du rôle qu’elles peuvent jouer dans la société libyenne a changé. Cependant, il semble bien qu’avec le temps les femmes retournent au rôle traditionnel culturellement admis. Elles ne sont pas prises au sérieux comme les hommes dans le monde politique et économique. Ça n'est pas surprenant. Au final, même le rôle des hommes a changé pendant la révolution, qui a submergé la totalité de la société. C’est ce qui a permis aux femmes de sortir du moule socialement accepté. Toutefois, une fois la révolution terminée, les hommes sont rentrés chez eux, ont repris leur vie quotidienne et ont attendu exactement la même chose de leur femme, de leurs filles, et même de leur mère.
Si l'on se penche sur l'Histoire, il a fallu des décennies pour que le rôle des femmes en Amérique et en Europe se consolide après la Seconde Guerre mondiale. Et si l’on observe, plus proche de nous dans le temps, un autre pays arabe comme l’Egypte (qui a toujours été considérée plus progressiste que la Libye), il apparaît que les femmes ont eu du mal à préserver les avancées obtenues à l’issue de leur révolution. Cela ne fait aucun doute que la Révolution du 17 février a ouvert, pour les femmes libyennes, une fenêtre d’opportunité fantastique. Espérons que nous saurons apprendre de l’Histoire et saisir ce qu’elle a à nous offrir.
Entretien réalisé par Elodie Vergelati
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Crédit photo : VLW/Alaa Murabit, l'ancien Premier ministre libyen Mahmoud Gibril, et l'actuel premier ministre libyen Abdel Rahim El Keib.
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