On associe toujours la "friend zone" (ou zone d'amitié, le statut que les célibataires de la terre entière redoutent) au mec trop gentil qui squatte les comédies romantiques américaines depuis la nuit des temps.
Et bien sûr, dans ces films, le friend-zoné finit par conquérir le coeur de celle qu'il convoite après une bonne heure et demie de lutte acharnée, parce qu'elle s'est enfin rendu compte que son propre copain est en réalité un sombre abruti. Et qu'un mec sympa et respectueux, c'est quand même beaucoup mieux quand on veut éviter de passer sa vie à chialer.
La friend zone serait donc une histoire d'hommes, si l'on en croit ce cinéma de qualité approximative. Grave erreur.
Car les femmes aussi se font mettre de côté comme des vieilles chaussettes. Un bon paquet d'entre nous est d'ailleurs déjà tombée sous le charme d'un garçon qui nous faisait rêver la bouche ouverte, qu'on a enfin fini par aborder, avec qui on a noué des liens indescriptibles (dans le sens littéral du terme), et qui nous a ensuite sorti un "restons amis, veux-tu" plutôt rageant. De quoi nous retourner l'estomac immédiatement.
Sauf que dans ce cas de figure, notre estomac n'est pas la seule chose qui se soit fait retourner. Entre l'étape rencontre, rapprochement, et râteau intersidéral, le friend-zoneur fou n'a pas oublié de nous sauter. Attention, tout ça est évidemment consenti des deux côtés.
Ce qui l'est moins, en revanche, c'est le fait de ne pas voir la relation évoluer comme on l'aurait souhaité. Parfois, on n'est même pas au courant que l'on vient de se faire reléguer à la case "copains". Et je sais de quoi je parle.
Il y a un mois, un tweet a connu un succès fou en l'espace de quelques heures : "Les filles aussi se font friend-zoner. La seule différence, c'est que le mec couchera quand même avec". Autant vous dire que mon sang n'a fait qu'un tour, tant la vérité venait d'éclater sous mes yeux.
Petite mise en situation. Il y a quelques années, alors que je menais ma vie de célibataire londonienne (durant laquelle j'ai aussi rencontré Michel marteau piqueur, Londres étant un vrai nid à histoires foireuses), j'ai rencontré un Français qui bossait dans la finance - j'aurais dû flairer l'embrouille, me direz-vous, mais j'étais jeune et naïve.
Ami d'ami·es, il me paraissait extrêmement sympathique. On s'entendait bien, je ne savais pas vraiment s'il s'agissait d'un rapprochement amical ou romantique, mais je penchais plutôt pour la seconde option vu la fréquence de nos échanges. Alors quand il m'a ramenée chez lui après une énième soirée à se regarder dans le blanc des yeux, j'étais sûre de mon coup : il voulait m'épouser et me faire des enfants.
Le lendemain, il était (évidemment) déjà parti quand je me suis levée, et lorsque je l'ai revu la fois d'après, il me claquait la bise devant nos potes et n'a plus jamais évoqué le sujet. J'ai passé trois semaines à ruminer et puis j'ai tourné la page, convaincue qu'il était timide, qu'il était trop saoul ou - et je m'y suis accrochée longtemps à celle-là - qu'il m'appréciait trop pour gâcher notre relation. La blague.
En réalité, je m'étais fait friend-zoner comme une débutante et je ne m'en doutais pas une seconde puisque pour moi... la friend zone n'incluait pas de coucher avec celui qui ne vous voyait que "comme une amie". Comme a dit Doria Tillier à Nicolas Bedos dans cette mythique scène de télévision : "Je ne savais pas qu'on suçait les potes".
Alors, qu'est-ce qui rend ce phénomène si différent chez la femme de chez l'homme ?
La psychologue britannique Simone Bose explique lors d'un entretien avec Refinery29, que "les hommes peuvent compartimenter et voir le sexe comme un acte de désir sans émotion. Ceux qui couchent avec des femmes qu'ils ont placées en friend zone le font sans attachement, car ils peuvent profiter de l'acte sexuel sans s'investir émotionnellement".
Bon, peut-être, mais ça n'excuse pas le manque de clarification. Car là est bien le problème. Coucher pour coucher, OK, mais seulement si on a envie d'un coup d'un soir. Si notre partenaire sait qu'il s'agit pour sa part d'une partie de jambes en l'air sans lendemain, qu'il nous prévienne afin que l'on décide nous-même si le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Et surtout qu'on ne se sente pas comme le dindon de la farce une fois de plus (expression de thème Noël oblige) en se tapant un mur sentimental, au sens propre comme au figuré.