cinéma
"Revenge" : attention, jeu de massacre féministe
Publié le 7 février 2018 à 11:59
Par Charlotte Arce | Journaliste
Avec "Revenge", la Française Coralie Fargeat signe un revenge movie pop et musclé dans lequel son héroïne se mue en guerrière vengeresse et badass. La petite bombe féministe à ne pas manquer en ce début d'année.
"Revenge" de Coralie Fargeat avec Matilda Lutz "Revenge" de Coralie Fargeat avec Matilda Lutz© Rezo Films
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Serait-il en train de se passer quelque chose d'énorme du côté du cinéma de genre made in France ? Après le succès critique et public dont a bénéficié l'excellent Grave de Julia Ducournau, voici venu Revenge, qui a fait sensation aux festivals de Sundance et Toronto et sort ce mercredi 7 février en salle. Réalisé par Coralie Fargeat, dont c'est le premier long-métrage, ce revenge movie pop et ultra-violent dépoussière un cinéma hexagonal ronronnant, avide de comédies souvent sexistes et pataudes.

© Rezo Films

Jouant à fond sur les clichés, Revenge met en scène Jennifer, lolita blonde et hyper sexy et son amant Richard, venus passer quelques jours dans une luxueuse villa perdue au milieu du désert. Quand arrivent les deux associés de Richard, quarantenaires bedonnants, pour leur partie de chasse annuelle, les choses dérapent. L'un des deux hommes viole Jen en l'absence de Richard qui, loin de prendre la défense de sa belle, propose d'acheter son silence. Lorsque Jen refuse, les trois hommes la traquent avant de la laisser pour morte. Mais sous ses apparences frêles et futiles, la jeune femme survit et décide de se venger.

"Revenge est venu d'abord de l'envie de faire un vrai film de genre. Je suis très fan de ce cinéma-là, qui projette le spectateur hors de la réalité, nous explique Coralie Fargeat lors de notre rencontre. L'idée m'est d'abord venue d'un personnage qui serait considéré comme vide et faible et qui renaîtrait de ses cendres pour devenir un être fort, affirmé et que plus personne ne pourrait maltraiter ou manipuler."

Matilda Lutz dans "Revenge" de Coralie Fargeat © Rezo Films
Massacre ton porc

Pop, charnel, bourré d'un humour noir qui dédramatise la violence du propos, Revenge est loin d'être un énième film gore et vain. Lorgnant sans complexe du côté de Kill Bill et du dernier Mad Max, Coralie Fargeat a mâtiné son film d'un discours féministe qui fait souffler un vent de fraîcheur salutaire sur le genre du revenge movie. Ici, pas de scream queen qui passe une heure trente à fuir ses bourreaux en hurlant, mais une héroïne taiseuse, guerrière, presque invincible, qui traque et massacre les "porcs" qui l'ont violée et laissée pour morte.

"J'avais vraiment la volonté d'arriver à construire un personnage à la fois iconique et fort, résume Coralie Fargeat. Fort parce qu'il n'a pas besoin d'aide et qu'on l'autorise à aller se venger. C'est Jennifer elle-même qui va prendre cette décision et partir de rien pour construire les instruments de sa puissance. Il y a toujours dans les films d'horreur un personnage féminin qui hurle, qui a mal, et je voulais absolument éviter ce cliché. Tout ça m'a guidée dès l'écriture, j'ai vraiment été attentive au fait que toutes ses ressources viennent d'elle-même pour révéler sa puissance."

Parfaite dans la peau du phénix qui renaît de ses cendres, l'actrice italo-américaine Matilda Lutz n'a pas eu peur de se mouiller pour endosser ce rôle physique. "Tout le tournage a été très éprouvant physiquement, se souvient-elle. Je me souviens que la première semaine de tournage, je me sentais très faible. Il fallait que je porte et que j'utilise une arme très lourde. Le lendemain du premier jour de tournage, j'ai été incapable de la soulever à nouveau. Mais au fur et à mesure, mon corps est devenu plus fort. Comme celui de Jen."

Revenge © Rezo Films
Un conte féministe

La dualité du personnage de Jen, bimbo devenue guerrière vengeresse, a aussi été très exaltant nous raconte Matilda Lutz, qui n'a pas hésité à puiser dans des ressources qu'elle n'avait jusqu'ici jamais exploitées. "Je pense qu'on a tous un côté badass, un côté sexy et un côté fragile. Je savais que j'avais un côté sexy et provocant en moi mais j'avoue ne pas le laisser souvent apparaître. C'est quelque chose qui est très éloigné de moi, de ce que je suis dans la vie. Ça a été vraiment amusant de me glisser dans ce rôle de femme hyper sexy. J'ai vraiment considéré ça comme une aventure du début à la fin du tournage."

"Ce qui était jouissif dans les deux facettes de ce personnage, c'était pousser les deux côtés de manière totalement assumée, renchérit Coralie Fargeat. Aussi bien cette lolita sexy et complètement décomplexée que la femme très forte qu'elle devient ensuite. Ce que je voulais montrer avec le personnage de Jen, et que Matilda a très bien réussi à retranscrire, c'est que c'est une fille qui a besoin d'être vue, d'être aimée. Si elle danse pour les hommes, ce n'est pas pour coucher avec eux, mais parce qu'elle a besoin de leur regard pour exister. Or, c'est justement le regard masculin qui la rabaisse et la fait passer pour ce qu'elle n'est pas."

Tourné avant que n'éclate l'affaire Harvey Weinstein, Revenge résonne différemment aujourd'hui. Tant mieux, juge Coralie Fargeat, qui assume "à 300%" l'étiquette féministe que l'on colle à son film. "Je suis ravie que Revenge puisse être un étendard car je pense que le féminisme a autant besoin de discours sérieux que d'icônes culturelles pop auxquelles on peut s'identifier et qui permettent de transmettre des symboles et des valeurs fortes. Et je suis vraiment heureuse que le film résonne de cette manière avec l'actualité."

Revenge de Coralie Fargeat, avec Matilda Lutz, en salle le 7 février 2018.

L'affiche de "Revenge" de Coralie Fargeat © Rezo Films
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