Rappelez-vous. L'été dernier, l'on apprenait le départ d'Adèle Haenel du projet L'empire, film de science fiction hexagonal actuellement dans nos salles, et décrit comme un croisement entre les Chtis et Star Wars. A l'adresse de son cinéaste, le controversé Bruno Dumont, l'actrice avait énoncé un "scénario raciste", aux choix de casting extrêmement peu inclusifs.
Et s'était longtemps exprimée à ce propos, relève La voix du Nord : "Le réalisateur m'a proposé un rôle dans un film de science-fiction. Au début, je me suis dit que ça avait l'air très amusant : une sorte de Luke Skywalker dans l'espace. Le problème, c'est que derrière cette façade amusante, c'était un monde sombre, sexiste et raciste qui était défendu".
Ce à quoi Bruno Dumont, en pleine promo, a réagi en s'en défendant à travers sa propre version des faits : "Elle a reçu le scénario la première, on s'est rencontrés deux jours plus tard, elle le trouvait fou et réjouissant, et on avait d'ailleurs réglé les réticences qu'elle avait. On devait tourner en 2020, mais ca ne s'est pas fait, pour des raisons d'argent et de Covid".
"Elle était toujours sur le projet, loyale et fidèle. Puis deux ou trois mois avant le tournage, elle a changé d'avis : elle trouvait le scénario raciste. Elle m'a fait la liste de toutes les récriminations que j'entends souvent sur mon cinéma. Je suis tombé des nues", explique-t-il dans les pages du Monde.
Des propos qui ne pouvaient rester sans réponse. Et c'est pour cela qu'Adèle Haenel s'est de nouveau exprimée auprès de nos confrères d'Allociné. Quitte à mettre les points sur les i et dire les termes. On l'écoute !
Alors, qui a raison, qui a tort ? Désaccords artistiques ? Militants ? Incompréhension mutuelle ? Adèle Haenel a décidé de dire les termes dans cette exclusive prise de parole.
"Concernant le scénario l'Empire de Bruno Dumont, en réalité, j'ai adressé la question du sexisme du film et du casting blanc dès notre première rencontre et j'ai tout de suite conditionné mon engagement dans ce film aux changements à effectuer en ce sens. Après un an j'ai reçu le nouveau scénario où pas une ligne n'avait été changée, c'est pourquoi je suis partie du projet. Il y a plusieurs personnes qui peuvent attester de cela".
"Que signifie un film de science fiction représentant l'humanité et ses cousins intergalactiques dont l'intégralité du casting est blanc ?", s'interroge à raison la comédienne féministe. Elle conteste également le fait que sa relation avec Bruno Dumont aurait été un an durant tout à fait cordiale : "Il dit qu'on s'entendait bien, pour moi ça n'a jamais été le cas". Et fustige des propos aux antipodes de sa militance : "J'imagine que si il était venu me chercher c'était précisément pour ce qu'il appelait mon personnage social, et railler, un peu bêtement, au travers de mon corps, le mouvement #MeeToo"
"... et peut-être plus largement l'engagement politique sincère, tout en capitalisant sur mon nom et mon travail. J'ai également parlé de la question du casting problématique à Lily Rose Depp qui était alors dans le film et qui partageait ma critique - nous voulions formaliser ensemble une demande qui aurait plus de poids auprès de la production". Adèle Haenel explique également avoir été sensibilisée à ces questions de représentations par le biais de son amie, une autre grande comédienne engagée : Aissa Maiga.
"En ce qui concerne la lenteur du changement, je trouve ça mieux de changer lentement que de ne pas changer du tout. J'ai grandi dans un monde malheureusement encore structurellement raciste, faire tout ce qui est en mon pouvoir pour me transformer et chercher à transformer l'espace qui m'entoure me semble être le minimum pour faire preuve d'humanité", achève-t-elle.
"Le scénario était truffé de blagues sur la cancel culture et les violences sexuelles. J'ai cherché à en discuter avec Dumont, car je pensais qu'un dialogue était possible. J'ai voulu croire pour la énième fois que ce n'est pas intentionnel. Mais c'est intentionnel. Ce mépris est délibéré. Tout comme ils se moquent des victimes, des personnes en situation de faiblesse", avait également précisé Adèle Haenel l'an dernier. Une polémique qui ne fait que commencer ?