Commenter (et juger) les choix d'une femme reste l'un des passe-temps favoris de notre société. "Elle n'aurait pas dû faire si", "Elle n'avait pas à s'habiller comme ça", "Elle est trop ci, pas assez ça". Lassant, oppressant, épuisant. Et cette fâcheuse manie se révèle encore plus insupportable lorsqu'elle se concentre sur les corps féminins. Comme si leur droit à disposer d'elles-mêmes pouvait être débattu sur la place publique et par le plus grand nombre (non). Que cela soit les injonctions à allaiter, leur droit à l'avortement, le non-désir de maternité ou encore l'âge de procréer, ces sujets ô combien intimes continuent de faire l'objet de débats- souvent brutaux.
L'indécence atteint son paroxysme lorsque ces avis si peu sollicités émanent des hommes. Ces mêmes hommes si prompts à vouloir prendre le contrôle (pour mieux les dominer) des corps des femmes. Découvrir un sondage dans lequel ces messieurs se permettent- tout honte bue- de commenter ce libre-arbitre féminin n'a donc rien de surprenant. Mais cela n'en reste pas moins parfaitement crispant.
C'est ainsi que l'institut de sondage YouGov a eu la brillante idée d'interroger des citoyen·ne·s britanniques sur "l'âge idéal" pour faire un enfant. Le résultat est sans appel : le "meilleur âge" pour une femme pour avoir un enfant serait à 28 ans contre 30 ans pour un homme. Mais surtout, selon 46 % des hommes, les femmes de 36 à 40 ans seraient "trop vieilles" pour avoir un bébé (contre 35% des femmes). Comble de l'ironie : 71% des hommes et 84% des femmes estiment que devenir père au même âge n'est aucunement un problème. Bonjour le sexisme, bonjour le double standard.
Nous voilà face à un bel exemple d'âgisme, cette discrimination qui écrase les femmes dès qu'elles ont l'outrecuidance de franchir la barre fatidique des 30 ans. Sans compter que ce sondage perpétue le mythe insidieux de l'"âge-couperet" des 35 ans- reposant sur des données scientifiques... datant d'il y a 300 ans. Tic toc, tic toc, l'horloge biologique tourne et il est de bon ton de vous le rappeler.
Ce type de questionnaire (et les réponses des non-concernés qui ont eu le culot d'y participer) contribue à cette pression permanente exercée sur les femmes, sur leur souveraineté personnelle et leur liberté. Quand assimilera-t-on enfin que le "meilleur" âge pour avoir un enfant (ou pas) est le moment où une femme choisit de le faire (ou pas) ? Encore aujourd'hui, la société s'estime autorisée à asséner et trancher ce qui est "bien" ou "mal". De porter un regard critique sur des décisions infiniment personnelles. De s'immiscer dans une sphère intime sans sollicitation.
Le corps des femmes ne devrait pas être un objet de discussion. Et leurs choix n'ont pas à être débattus avec autant de légèreté qu'on deviserait du dernier score de l'Equipe de France au Café du commerce. Comme le souligne justement cette internaute : "Le meilleur âge est quand une femme le veut". Et si on nous lâchait tout simplement la grappe (et l'utérus) ?