Société
Avec le scandale Ray Rice, les USA découvrent le fléau des violences conjugales
Publié le 11 septembre 2014 à 17:04
Par Marie-Laure Makouke
Dévoilée en début de semaine, la vidéo montrant la star du football américain, Ray Rice, asséner deux violents coups de poing à sa fiancée dans un ascenseur a particulièrement choqué les États-Unis. Et alors que l'athlète de 27 ans a perdu, en l'espace de trois jours, son emploi et ses sponsors, le fléau des violences conjugales semble s'être hissé au rang de grande cause nationale au pays de l'Oncle Sam.
Avec le scandale Ray Rice, les USA découvrent le fléau des violences conjugales Avec le scandale Ray Rice, les USA découvrent le fléau des violences conjugales© Patrick Semansky/AP/SIPA
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Trois minutes et trente-quatre secondes. C'est le temps que dure la vidéo choc dévoilée en début de semaine par le site américain TMZ ; une scène de violence conjugale à la limite du supportable. On y voit Ray Rice, joueur vedette des Baltimore Ravens – l'équipe de football américain qui a remporté le Super Bowl en 2013 –, se disputer avec sa petite amie aux abords d'un casino-hôtel d'Atlantic City (New Jersey). Une banale querelle de couple jusqu'à ce qu'une fois seul dans l'ascenseur avec la jeune femme, le sportif de 1,73 mètre pour 96 kilos lui décoche un coup de poing en plein visage. Un second crochet, d'une violence inouïe, suit aussitôt. La jeune femme se heurte alors la tête contre la paroi de l'ascenseur avant de tomber lourdement au sol, inanimée. Arrivé à son étage, l'athlète de 27 ans traîne sans ménagement le corps inerte de sa fiancée hors de l'ascenseur. Elle restera inconsciente près d'une interminable minute.


Les Ravens se séparent de Ray Rice, ses sponsors prennent leurs distances

Rendue publique le 8 septembre dernier, cette agression s'est pourtant déroulée il y a plusieurs mois, dans la nuit du 14 au 15 février 2014. À l'époque, suite à la plainte déposée par la victime, Ray Rice avait été poursuivi pour voie de fait. Pour éviter toute inculpation, il s'était engagé à suivre un programme de sensibilisation contre les violences conjugales. Quant à la NFL, la ligue organisatrice du championnat de football américain, elle ne lui avait infligé que deux matchs de suspension. Une sanction insignifiante que la ligue justifie aujourd'hui par le fait de ne pas avoir pas eu accès, en février, à la vidéo surveillance de l'ascenseur, mais seulement à celle d'une caméra située dans le couloir de l'hôtel.

Mais au vu des derniers éléments, impossible pour elle de se cacher plus longtemps derrière cette excuse discutable. Elle a d'ailleurs rapidement pris la décision de suspendre à vie le joueur incriminé et, dans le même temps, les Baltimore Ravens ont annoncé son licenciement. « Les Ravens se sont séparés de leur running back Ray Rice », a simplement indiqué la franchise sur son compte Twitter. Suivant le mouvement, ses sponsors, Nike et EA Sports en tête, ont pris leurs distances et dénoncé leurs contrats.

Une violence conjugale qui choque les États-Unis

Et pour cause, la publication de cette vidéo a eu l'effet d'une bombe et déclenché une vague d'indignation aux États-Unis. Père de deux filles, le président Barack Obama, lui-même, a sévèrement condamné le comportement odieux du sportif. «Frapper une femme n'est pas quelque chose qu'un véritable homme fait. Cette remarque s'applique qu'un acte de violence soit commis en public ou, bien trop souvent, à l'abri des regards», a-t-il déclaré dans un communiqué de presse, ajoutant que « la violence domestique est méprisable et inacceptable dans une société civilisée ».

Ainsi, depuis lundi, le fléau des violences faites aux femmes s'est soudainement hissé au rang de grande cause nationale dans le pays. L'affaire fait les choux gras de la presse d'autant plus que, depuis cette violente altercation, celle qui n'était alors que la petite-amie de Ray Rice, Janay Palmer, est devenue sa femme.

La Une du New York Post demande à Janay Palmer de

Et alors que la polémique enfle, que les réactions blâmant cette union se multiplient, Janay Palmer Rice se présente comme le plus fidèle soutien de son mari. « Personne ne sait la peine que les médias et l'avis non désiré du public ont causé à ma famille. Nous faire revivre ce moment de nos vies que nous regrettons chaque jour, est quelque chose d'horrible. Reprendre à un homme quelque chose pour lequel il a travaillé comme un fou toute sa vie, uniquement pour faire de l'audience, est ignoble », a-t-elle jugé via son compte Instagram. Et d'ajouter : « Si votre intention était de nous blesser, de nous embarrasser, de nous isoler, de nous priver de bonheur, vous avez réussi, à bien des égards. »

#WhyIstayed, #WhyIleft : les femmes battues s'emparent de Twitter

Un comportement qui, aussi incompréhensible soit-il, est loin d'être isolé. En effet, nombreuses sont les femmes victimes de violences conjugales qui choisissent de rester auprès de leurs compagnons. Pour lever le tabou autour de ce phénomène, l'auteure américaine Beverly Gooden vient d'ailleurs d'initier un mouvement sur Twitter. L'objectif : inviter les femmes dans cette situation (ou l'ayant vécu) à témoigner. Après avoir mentionné le hashtag #WhyIstayed (« pourquoi je suis restée », en français), les internautes peuvent ainsi confier ce qui les a poussés à poursuivre une relation abusive. Des témoignages plus bouleversants les uns que les autres. « J'ai essayé de quitter la maison, une fois après un abus, et il m'a bloquée. Il a dormi devant la porte toute la nuit. #WhyIStayed », raconte une twittos, tandis qu'une autre déclare : « Parce que bloquée dans une relation abusive, j'ai fini par croire que je le méritais ». Une troisième dit avoir eu peur de « devenir SDF ».


Des raisons qui, ainsi que le rappelle Jessica Valenti, éditorialiste au Guardian peuvent être « concrètes » (désir de protéger ses enfants ou incapacité de subvenir à ses besoins seule) ou psychologiques lorsque des émotions telles que l'amour, l'espoir, la culpabilité ou la peur entrent en ligne de compte. Quoi qu'il en soit, et parce que rien ne justifie de vivre auprès d'un homme violent, un deuxième mot-clé a également fait son apparition : #WhyIleft ou « pourquoi je suis partie ».

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