2023 initia un triste anniversaire. Le 1er août 2023 précisément : les 20 ans jour pour jour du féminicide de Marie Trintignant, décédée sous les coups de son compagnon, le chanteur du groupe Noir Désir Bertrand Cantat. À l'époque, les médias ne parlaient pas encore de féminicide mais de "crime passionnel". "Crime passionnel", "crime d'amour", "il l'aimait tant qu'il l'a tuée"...
Marie Trintignant est décédée d'un oedème cérébral suite aux coups portés par Bertrand Cantat. Ce dernier fut condamné à huit ans de prison en 2004. Aujourd'hui, quelques années après son dernier album, le musicien fait son come back. Un nouveau clip, "L'angle", a été relayé sur les réseaux sociaux. Plus encore, son nouvel album a fait l'objet d'une campagne de financement participatif - laquelle a remporté un vif succès.
Et ce retour n'a pas manqué de faire réagir. Une militante féministe de commenter, l'espace d'une publication très relayée : "Il lui a donné 19 coups sur le corps et le visage. Les coups au visage l'ont tuée. C'est l'écrasement du nez de Marie Trintignant qui, en provoquant des lésions internes, a entraîné l'oedème cérébral à l'origine du décès".
"Mais il va sortir une nouvel album financé par le public..."
Plus précisément, cet album constitué de dix chansons, composées par Bertrand Cantat et le groupe Detroit, a été financé en seulement trois heures. Tel que le relate BFM TV, ce sont plus de 88.000 euros (sur un objectif de 60.000 euros) qui ont ainsi été engrangés. "L'Angle" est la première chanson de Cantat en six ans.
"Il y a toujours une très bonne raison pour que le patriarcat tue une femme. On a d'ailleurs entendu que Marie était hystérique, qu'elle avait bu, qu'elle l'avait poussé à bout en le rendant jaloux. Tout ce qui peut remettre en cause le génie masculin n'est pas susceptible d'être entendu, est forcément mauvais, manipulé, hystérique, politique", fustigeait encore l'an dernier celle qui, il y a vingt ans était l'une des seules à s'indigner : Lio.
"Un salopard peut avoir du talent. Mais pas d'honneur pour les violeurs, les violents. Et à ceux qui disent qu'il a payé sa dette, je réponds : quatre ans de prison, c'est ce que vaut la vie d'une femme ?"
Aujourd'hui, d'autres militantes féministes réagissent vivement à ce come back. Comme la journaliste Emma Dancourt, présidente du mouvement #MeTooMedia : "Oui c'est indécent. Tout le monde a le droit à la réinsertion mais en plus de la loi, il y a l'éthique... Il faut avoir du discernement, de la discrétion et de la décence !". A l'unisson, les réactions des internautes abondent.
Florilège : "Cantat a "payé sa dette" vis à vis de la justice, ok, mais ça ne devrait pas lui donner moralement la légitimité de revenir faire des albums et des concerts, comme si rien ne s'était passé", "Mieux que l'image de ce meurtrier, je préfère celle de Marie Trintignant belle et solaire, tuée sous les coups de Bertrand Cantat", "C'est pas une faute c'est un meurtre. Harceler, agresser, frapper, violer, tuer, ...n'est une une faute c'est un crime".
En juin 2018 déjà, de larges rassemblements prenaient place au devant des salles de concerts. Au devant du Zénith de Paris, le mouvement Osez le féminisme ! fustigeait : "Il est inacceptable qu'un homme qui a agressé et tué une femme soit ainsi célébré. Celui-là a 'payé' nous dit-on. Certes, mais on confond morale et droit. Avoir 'purgé' sa peine, ne veut pas dire pour autant qu'il soit supportable de voir un meurtrier se produire sur scène."
Parmi les slogans scandés : "Pas de scène pour les tueurs de femmes".