Société
"All Is Fine With Me", le mouvement body positive réjouissant des femmes russes
Publié le 8 octobre 2019 à 11:52
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Sur Instagram, les femmes russes renversent les diktats de beauté et autres injonctions (impossibles) à la féminité avec leur mouvement #AllIsFineWithMe. Un élan salvateur.
"#AllIsFineWithMe", le body positive version russe. "#AllIsFineWithMe", le body positive version russe.© Getty Images
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#SoMnoyVsyoTak. Cela signifie : #ToutVaBienPourMoi. #AllIsFineWithMe, pour sa déclinaison anglophone. Cela fait quelques jours que ce mot clé se propage sur les réseaux sociaux. Et l'on peut s'en réjouir. Car sous cette assertion se cache un mouvement body positive salutaire : les selfies de femmes qui (s')assument, et dévoilent autant leur cellulite que leurs cicatrices, sans filtre ni maquillage. Un nouvel élan du féminisme russe.

"En Russie, nous montrons très peu de personnes avec des corps ordinaires", décoche l'adolescente Natalia Zemlianukhina à The Guardian. Son million de followers la connait mieux sous le nom de @Tysya, son pseudonyme d'instagrammeuse à l'audience foisonnante. L'influenceuse est l'instigatrice de ce hashtag qui, à la lire, n'a rien d'un bête buzz.

Zemlianukhina a longtemps souffert d'anorexie. Avec #SoMnoyVsyoTak, elle célèbre la diversité des corps et leur bien-être, pour elle d'abord, mais surtout pour toutes celles qui n'osent se dévoiler - ou juste s'exprimer. Son mantra ? "Tout le monde est beau. Il n'y a pas de corps qu'il faut améliorer".

Tout va bien pour elles

Son slogan, Natalia Zemlianukhina en a fait une vidéo, déjà visionnée plus d'un million de fois - et saluée par des milliers de commentaires enthousiastes. Normal, lorsque l'on s'attarde sur le texte qui l'accompagne. "Les normes de beauté détruisent la vie, l'estime de soi et la santé des filles", fustige l'influenceuse russe, qui incite ses jeunes abonné·e·s à regarder leurs corps et à l'accepter. L'idée ? Diffuser "la philosophie de l'amour de soi", façon "self-care", en se détachant des "standards de la beauté féminine". Et le but de toutes ces publications ? "Faire un pas en avant pour vous accepter et aider les autres". De quoi fédérer des milliers de voix anonymes.

"Inspirer l'amour pour votre corps tel qu'il est" en racontant son histoire est la visée de ce "Tout va bien pour moi" à échelle nationale. Les mauvaises langues n'y verraient qu'un phénomène de plus, et ils auraient tort. Car le geste de la teenager est politique. "La Russie est restée un pays très patriarcal et soucieux du corps. Les normes de beauté strictes et la honte corporelle y sont une réalité quotidienne", a déclaré Janette Akhilgova à The Guardian.

Consultante en Russie pour le groupe de défense des droits des femmes Equality Now, Akhilgova soutient l'appel sororal émancipateur de Natalia Zemlianukhina et voit en cette dénonciation du conservatisme russe "un moyen positif de montrer aux gens comment ils peuvent se libérer des contraintes qui détruisent leur santé mentale et physique".

Pour s'en libérer, il faut donc déboulonner les stéréotypes de genre qui envahissent les défilés de mannequins et les publicités photoshopées. C'est ce que fait par exemple la jeune internaute russe Katrin (alias @_kruka_). Sur Instagram, elle use du hashtag afin d'évoquer l'acné qui lui a pourrit ses dix-neuf ans. "Presque tous les ados ont probablement été confrontés à ce problème", observe-t-elle. Raison de plus pour fustiger cette "honte de la peau" qu'elle exorcise avec sérénité en postant quelques selfies lumineux. Car #SoMnoyVsyoTak n'est pas simplement un mouvement body positive, c'est également une campagne "skin positive" : elle vise à célébrer toutes les peaux - et leurs "imperfections". "Je ne comprends pas : de quoi faut-il avoir honte ?", s'interroge en ce sens Katrin.

Non content d'être le plus inclusif possible, #AllIsFineWithMe est l'arbre qui cache la forêt. Une forêt qui, loin d'être le terreau angoissant des contes de fées, serait le lieu des futures révolutions. C'est ce que suggère Janette Akhilgova au journal britannique :"jusqu'à il y a quelques années, les initiatives pro-féministes en Russie était à peine visibles, mais aujourd'hui elles le sont beaucoup plus". Natalia Zemlianukhina inspirera-t-elle d'autres voix tout aussi militantes ? Le temps nous le dira.

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