De la randonnée pour prôner la sororité ? C'est là l'idée de la communauté américaine Fat Girls Hiking. Soient des femmes grosses qui pratiquent la marche à pied en plein air - et toutes ensemble - afin de mettre le "body shaming" en PLS. Une initiative qui empouvoire à force d'enjambées endurantes et poursuit son petit bout de chemin depuis quatre ans déjà.
L'on pourrait croire que la nature et l'air pur rafraîchissent les cerveaux, mais pas vraiment (ou pas tous). Au gré de ses très nombreuses randos, Summer Michaud-Skog n'a jamais échappé aux remarques malveillantes des autres marcheurs et à leurs regards ahuris - principalement centrés sur son poids. De là est né le projet Fat Girls Hiking : aller de l'avant face à celles et ceux qui vous jugent et vous font culpabiliser dans votre dos. En parallèle de ce groupe de marche super-fédérateur, le hashtag #fatgirlshiking propage sur les réseaux sociaux les mêmes ondes - délibérément positives.
Avec ce groupe rando suivi par plus de 23 000 abonné·e·s sur le web, Summer Michaud-Skog désire allier son amour de la marche et son "fact activism". Diversifier les rangs des randonneuses, valoriser l'autonomisation du corps et sa libération par l'activité collective sont quelques unes des nombreuses convictions de l'instigatrice. "Les personnes grosses marchent en plein air, mais nous ne les voyons jamais. Je pense qu'il est important que cette représentativité existe", explique-t-elle à ce titre du côté de Teen Vogue. On lui a d'ailleurs déjà fait comprendre qu'elle n'était "pas à la hauteur de ce qu'un randonneur est censé être". Mais ça, c'était avant.
En rétorquant aux attaques qu'on lui décoche volontiers, la randonneuse aime à dire qu'elle n'est "qu'une grosse fille en train de faire de la randonnée". Ce terme de "grosse", elle se le réapproprie d'ailleurs sans hésiter. Et s'en sert pour contrer "la honte et la stigmatisation". Lorsqu'elle marche aux côtés de ses consoeurs, cette militante native du Minnesota souhaite que celles-ci "se sentent "autres" sur les sentiers. Les territoires qu'elles foulent du pied sont à la lire des zones de confort, c'est à dire des espaces sûrs où les femmes "peuvent se présenter telles qu'elles sont". Sans pression, complexes ou anxiété, cette crainte que vous ressentez toujours "lorsque vous êtes une grosse personne qui tente d'être active ou de faire une activité comme la randonnée", déplore Michaud-Skog au magazine pour adolescents.
"Voir se mouvoir des corps qui ressemblent au vôtre est quelque chose de puissant. La nature est notre droit de naissance", se réjouit encore la randonneuse, qui considère la marche comme une forme d'empowerment. Mais également de thérapie. Les randonnées qu'elle organise sont centrées sur l'échange et le partage, le bien-être, le respect de l'autre et de son corps, l'estime de soi. Bref, le "feel good" total et décomplexé. Lorsqu'une marcheuse ne se sent pas bien, elle peut s'arrêter en cours de route. Et les autres ne la jugeront jamais. Seul importe ce sentiment de liberté.
Avec cette lutte imprégnée de valeurs "body positive", Summer Michaud-Skog en profite également pour décocher quelque tacles virulents à une société (encore) loin de l'accepter comme elle est. Elle s'attriste par exemple de voir les magasins de sport manquer d'équipement de taille XXL. Pour que les mentalités changent, la route est encore longue. Mais les randonneuses ont du souffle.