C'est une chanson extrêmement connue aux États-Unis et qui est diffusée partout au moment de Noël : Baby, It's cold outside. Elle figure dans le film Neptune's Daughter, un film des années 1940. Mais cette année, elle est boycottée des playlists des radios.
Les paroles de la chanson racontent l'histoire d'une jeune femme voulant partir d'une soirée qu'elle passe avec un homme mais celui-ci tente de la retenir.
C'est une radio de l'État de l'Ohio aux Etats-Unis, WDOK, qui a la première décidé de bannir cette chanson de ses ondes. Dans un communiqué, Glenn Anderson, l'un des animateurs de la station, explique : "Aujourd'hui je réalise que lorsque la chanson a été écrite en 1944, c'était une époque différente. Mais en la lisant maintenant, elle semble très manipulatrice et inacceptable".
En effet, on peut entendre des paroles telles que : "Qu'est-ce qu'il y a dans cette boisson ?".
Les détracteur·trices de la chanson lui reproche également d'être une continuité de la culture du viol. En effet, l'homme de la chanson tente de retenir cette femme chez lui contre sa volonté et aurait en plus glissé quelque chose dans son verre.
La chanson a été composée pour signifier aux invité·es de partir lors de soirées mondaines par un parolier de Broadway, Frank Loesser. Il l'interprétait alors avec sa femme Lynn Garland.
Grâce à ce titre festif, le couple écumait les galas de la bonne société. Ce qui fera dire à Lynn Garland à propos de Baby, It's Cold Outside qu'elle était leur "ticket d'entrée pour le caviar et les truffes."
Plus tard, et sans prévenir son épouse Lynn Garland, Frank Loesser vendra la chanson pour qu'elle figure dans le film La fille de Neptune d'Edward Buzzell. Grâce à cette chanson, il gagnera l'Oscar de la meilleure chanson originale en 1950.
Lors de la sortie du film en 1949, la chanson était alors interprétée par Esther Williams et Ricardo Montalban. Mais la partition ne précisait pas que la chanson devait être chantée par un homme ou une femme, mais "un loup" et "une souris". D'ailleurs, la chanson a déjà vu des interprétations où une femme retient un homme qui veut partir.
Alors que la polémique fait rage aux Etats-Unis, notamment en cette période post #MeToo, d'autres voix se font entendre pour affirmer qu'au contraire la chanson serait un hymne féministe. Marney White est professeuse à l'université de Yale. Elle est spécialisée dans la santé des femmes. Elle a une toute autre vision de cette chanson qu'elle livre dans un article pour USA Today :
"Bien que certaines personnes considèrent que la chanson décrit une lutte pour le consentement sexuel, c'est une mauvaise interprétation de ce qui se passe réellement. Ce à quoi nous assistons à travers Baby, It's Cold Outside n'est pas une scène inconfortable d'un homme qui pousse agressivement une femme à rester chez elle malgré ses objections."
La chanson comporte ces paroles : "Les voisins pourraient penser que ... [...] Ma soeur sera méfiante [...] Mon frère sera là à la porte [...] L'esprit de ma vieille tante célibataire est vicieux."
Donc pour cette spécialiste, "ce que nous entendons, c'est la lutte interne d'une femme, car elle détermine qu'elle est assez forte pour affronter le ridicule public qui suivra quand elle choisira de défier les normes sociales."
Marney White rappelle aussi que dans les années 1940, la drogue du violeur n'existait pas et que cette femme peut "simplement indiquer qu'elle boit de l'alcool et qu'elle en profite - ce qui était également interdit aux femmes qui voulaient protéger leur réputation."
Cette chanson ne reflèterait donc pas la culture du viol, mais serait en réalité un hymne à la volonté d'émancipation d'une femme. D'ailleurs, elle finit par rester et demande une dernière cigarette à son potentiel amant, signe de libération et d'indépendance à l'époque.
L'autrice Helen Rosner parle elle, d'une femme ouverte sexuellement mais qui serait terrifiée par le slut shaming.
Face aux plaintes des auditeurs et des auditrices ayant l'habitude d'entendre cette chanson en cette période de fêtes, de nombreuses radios ont décidé de la reprogrammer sous la pression, comme CBC Music au Canada ou KOSI une radio américaine.
Radio Canada qui a remis Baby It's Cold Outside sur ses antennes, préférant laisser le public choisir. Le site de la radio en profite pour pointer du doigt d'autres chansons, francophones cette fois-ci, qui sont les témoins d'une époque.
Comme Petite de Léo Férré datant de 1967 et qui parle du désir du chanteur, la cinquantaine à l'époque, pour une "petite" qu'il décrit comme mineure. La chanson se termine par : "Tu reviendras me voir bientôt, le jour où ça ne m'ira plus, quand sous ta robe il n'y aura plus, le Code pénal."
Radio Canada parle également de la chanson Les Sucettes, chantée par une France Gall de 18 ans, et qui décrit une fellation sans qu'elle ait compris à l'époque les paroles.