Il y a quatre ans, le grand public découvrait Daisy Coleman. La raison ? Le documentaire Netflix Audrie & Daisy, qui en a bouleversé plus d'un. Soit l'histoire de Daisy, jeune femme courageuse et meurtrie, qui, malgré les pressions diverses, décide de dénoncer le viol collectif qu'elle a subi à l'âge de quatorze ans. Les faits, nous relate le film de Jon Shenk et Bonni Cohen, se sont déroulés lors d'une soirée, dans un bar de Maryville, dans le Missouri. Profitant de son état d'ébriété, des garçons ont abusé d'elle. Et filmé ces violences avec leurs portables.
Un récit glaçant. Par-delà le traumatisme, Daisy Coleman, alors ado, a par la suite subi un virulent harcèlement en ligne. On le devine, rien n'était de trop pour la condamner au silence. D'autant plus que l'un de ses agresseurs, le seul incriminé par la justice (il a évidemment plaidé son innocence), a vu les charges adressées à son encontre être abandonnées. Mais la jeune femme a finalement décidé de libérer la parole. Le documentaire Audrie & Daisy est sorti un an avant les prémices du mouvement #MeToo. C'est dire à quel point ce témoignage n'avait rien d'évident.
L'espace d'un message Facebook, sa mère, Melinda Coleman, le rappelle avec émotion : "Daisy ne s'est jamais remise de ce que ces garçons lui ont fait et c'est injuste. Ma petite fille est partie". A l'unisson, bien des voix nous rappellent pourquoi Daisy Coleman comptait. Pas simplement pour ses proches, mais pour toutes les victimes de viol.
Au fil des publications, militantes féministes et spectatrices émues font honneur à celle que l'on décrit - à raison - comme une "icône" de la lutte contre les violences sexuelles et de la culture du viol aux Etats-Unis, une survivante qui a affronté les accusations de mensonge, les menaces diverses et autres "victim blaming", mais aussi une activiste qui a malheureusement démontré que "le patriarcat tue". Sinistre constat.
L'organisation d'aide aux victimes d'agressions sexuelles RAINNN (Rape, Abuse & Incest National Network) déplore ainsi le décès "d'une ardente défenseure des autres survivantes", qui n'a eu de cesse de poursuivre "sa courageuse quête de justice et de guérison". Une recherche d'autant plus douloureuse que les faits relatés par Audrie & Daisy mettent en avant le viol, la même soirée, d'une jeune fille de treize ans. Sa meilleure amie.
Défenseure des survivantes, Daisy Coleman l'était indéniablement. Elle avait notamment créé l'association SafeBAE afin de venir en aide aux jeunes victimes d'agressions sexuelles, à l'heure où les viols subis sur les campus américains font encore office de véritable tabou. "Tristesse infinie et pensées pour la famille et les proches de Daisy Coleman. Les chiffres des suicides, conséquences des violences sexuelles, sont extrêmement préoccupants. Ne fermons pas les yeux sur les psychotraumatismes liés aux violences sexuelles", prévient Nadège Beausson-Diagne, la présidente du collectif Même Pas Peur, qui vise à dénoncer les violences sexuelles.
Et la porte-parole de conclure, poing levé : "Luttons ensemble". C'était là l'attention de la jeune défunte. Aujourd'hui, son suicide éveille bien d'autres consciences. "Nous parlons de violences sexuelles comme s'il s'agissait d'événements ponctuels. Or la réaction en chaîne que les traumatismes et l'exclusion sociale engendrent a tué un nombre incalculable de femmes dont nous ne connaîtrons jamais les noms", a réagi l'autrice Sady Doyle.
Il a fallu attendre longtemps pour que le seul agresseur incriminé de Daisy Coleman écope de deux ans de prison. C'est dire si cette mort tragique laisse dans bien des esprits un sentiment d'injustice. "J'aurais aimé pouvoir lui ôter cette souffrance !", a commenté sa mère. Son combat, lui, continue.