Il y a des anniversaires que l'on préférerait ne jamais célébrer. Celui du Covid 19 est de ceux-là. En mars 2020, l'OMS déclarait officiellement la situation de pandémie dans laquelle nous vivons depuis un an déjà. Un an, et une suite d'événements se succédant depuis : confinements et déconfinements, reconfinements, "mesures de freinage", couvre-feux, mesures et discours politiques critiqués ou salués selon les pays...
Et, au creux de ce vaste état des lieux, une vaste préoccupation aussi bien individuelle que collective quant à la santé d'autrui. Santé physique bien évidemment, mais aussi santé mentale. Pandémie et huis clos ont notamment exacerbé les risques de dépression et les syndromes de stress post-traumatique. De l'angoisse de rester enfermé·e à l'anxiété du virus jusqu'à l'appréhension éprouvée lorsqu'il s'est agi de ressortir, le Covid-19 est synonyme de bien des tracas. Et son anniversaire, également.
Ainsi bien des médecins alertent quant aux effets suscités par cette curieuse commémoration des "un an". Le "Covid-versaire" pourrait effectivement nous plonger dans des états redoublés de stress, de mal-être, de détresse exacerbée. Comme si cet anniversaire était tout un syndrome. Mais le phénomène n'est pas nouveau.
Bien des médias spécialisés comme le magazine Psychology Today nous mettent effectivement en garde. Qui dit "anniversaire" du Covid -9 dirait – pour certains – augmentation du stress et de la détresse ressentis, des impression d'incompréhension, de déroute et de tristesse également. Le "covid-versaire" pourrait générer en nous plusieurs émotions insidieuses : fatigue sévère, chagrin, colère accrue, nervosité, voire même, panique.
Des cas ont déjà pu être observés en ce sens, et des témoignages recueillis. Il faut dire que la situation que nous vivons n'est pas évidente. En France par exemple, on dénombrerait en cette fin mars pas moins de 27 036 hospitalisations, pour 93 378 nouveaux décès. Tant et si bien que les scientifiques préconisent auprès de l'exécutif un reconfinement total.
Mais ces infos quant à notre santé mentale ne s'expliquent pas simplement par le fait que nous vivons une pandémie, avec tout ce que cela implique (crainte d'être contaminé·e, de voir ses proches en danger, interactions sociales réduites, informations anxiogènes à la télévision...). Non, les incidences sur notre esprit des anniversaires dramatiques portent un nom : "l'effet anniversaire", tout simplement.
La thérapeute et conseillère Susan Harrington l'explique avec clarté à la chaîne américaine CNN. "Notre corps et notre cerveau stockent des souvenirs douloureux qui peuvent être déclenchés par certaines dates ou saisons, comme la date de décès d'un être cher, le rappel annuel d'un diagnostic sérieux ou, ici, l'anniversaire d'une pandémie", développe l'experte. En somme, un "anniversaire" peut nous renvoyer à la figure les émotions éprouvées lors de l'annonce initiale d'un événement dramatique. Douloureux flash back.
Thérapeute venant en aide aux survivants de traumatismes, Danielle Render Turmaud explique à Psychology Today que même après des décennies de guérison, les anniversaires d'événements traumatisants peuvent susciter en nous une détresse inattendue. Et même, nous "hanter". La faute aux "associations psychologiques" créées par notre cerveau autour d'expériences douloureuses.
"Bien que notre cerveau puisse nous transporter vers des souvenirs heureux, il peut aussi nous donner l'impression que nous revivons la détresse d'un événement traumatisant lorsque l'anniversaire de celui-ci survient", nous assure en ce sens la spécialiste. L'anniversaire du coronavirus épouserait donc la logique de ce phénomène observé depuis des décennies déjà par les psychologues et thérapeutes.
OK, mais savoir que le "covid-birthday" épouse les caractéristiques d'un "effet anniversaire" éprouvé au fil des traumas individuels et/ou collectifs ne nous rassure guère. Car une fois ces bases posées, comme faire face à ce trop plein d'émotions négatives qui pourraient nous submerger en cette funeste commémoration ?
Pas de panique, les expert·e·s ont quelques éléments de réponses. Prendre soin de son corps et de son esprit lorsque ceux-ci essaient de "manager" ce rappel douloureux des prémices de la pandémie est déjà un bon début. Penser à bien s'alimenter, à conserver une hygiène de vie et des horaires de sommeil acceptables. En somme, une routine. Le b.a-ba. Limiter sa consommation d'informations anxiogènes (sur les chaînes d'infos en continu ou les sites d'actualité par exemple) est une seconde étape loin d'être anecdotique.
En plus de ce régime de chaînes télévisées, modérer notre usage des réseaux sociaux peut également nous permettre de ne pas sombrer trop facilement dans un état redouté d'anxiété accrue, dans la mesure où bien des news anxiogènes y circulent. Que faire à la place ? Dédier son temps – tout du moins en partie – à des activités divertissantes susceptibles de nous apporter repos et réconfort.
Discuter en ligne ou par téléphone avec des amis, s'adonner à des jeux en ligne en leur compagnie, lire, visionner des films, se livrer à des activités de création, peut aider en ce sens. Par ailleurs, poser son ressenti personnel par écrit, sur papier ou virtuellement, peut également nous permettre de mieux affronter ce processus aussi émotionnel que psychologique, comme nous le recommande encore Psychology Today.
Des stratégies qu'approuve le site spécialisé en santé Health Blog, qui nous décoche à l'unisson quelques autres tips salutaires. Désactiver la fonctionnalité "Souvenirs" de nos réseaux sociaux (Instagram et Facebook en prio) par exemple – ces fonctionnalités qui ont toujours le bon goût de nous rappeler un drame, ou un ex.
Autre conseil : tirer le bilan de l'année passée, mais en s'efforçant de privilégier les choses positives. A savoir ? Les nouveaux passe-temps découverts, coups de coeur culturels divers, rencontres numériques ou "in real life" qui ont compté, événements persos survenus au cours des derniers mois... "Le simple fait d'avoir su traverser l'année écoulée est une réussite, alors récompensez-vous pour ça", nous assure d'ailleurs le blog.
Une belle manière d'envisager les choses. "Alors que nous atteignons la date de cet anniversaire, nous n'avons pas forcément à nous remémorer tout ce que nous avons vécu. Mais nous pouvons essayer de trouver un sens et un nouveau but à ce qui suit, un nouveau soutien, une façon de nous apprécier les uns les autres", poursuit sur le même ton la psychiatre et professeur au centre médical universitaire de l'Université du Michigan Michelle Riba.
Et la thérapeute Danielle Render Turmaud de nous prescrire une dernière recommandation : "Souvenez-vous que les 'effets d'anniversaire' ne durent pas éternellement". Tout comme les pandémies. Bien sûr, consulter un·e spécialiste peut s'avérer essentiel si jamais votre anxiété perdure. Tout comme il fait bon se souvenir que ce phénomène n'est pas éternel, se rappeler que vous n'êtes pas seul·e à l'éprouver importe tout autant.