Il y a déjà un an que la pandémie de coronavirus a débuté, ce qui semble à peine croyable. Nous avons l'impression que le temps s'est arrêté depuis que l'OMS a qualifié le Covid-19 de pandémie, le 11 mars 2020, mais aussi que cela fait des lustres que nous n'avons pas profité d'une journée "normale", sans masque ni distanciation sociale.
Pour beaucoup de gens, ces douze mois ont été les plus éprouvants de toute leur vie. La maladie est omniprésente et continue de faire des victimes, le taux de chômage a grimpé en flèche et beaucoup des petits plaisirs auxquels nous étions accoutumés ne sont plus accessibles.
Les spécialistes de la santé mentale s'inquiètent des effets inévitables de cette pandémie sur notre société. En raison de cette période difficile, certaines personnes souffrent d'anxiété, de dépression, voire développent un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), une pathologie souvent associée aux conflits militaires, bien qu'elle ne s'y limite pas.
Selon Caroline Vaile Wright, directrice du service d'innovation en matière de soins au sein de l'Association américaine de psychologie, beaucoup de gens font aujourd'hui l'expérience d'un traumatisme, ce qui, d'un point de vue clinique, implique d'être victime ou témoin d'un évènement traumatisant qui menace notre vie ou notre intégrité physique.
"Attraper le Covid, se faire intuber et survivre [...] constitue un traumatisme potentiel", précise-t-elle.
Être exposé·e à des événements traumatisants peut conduire les victimes à développer des troubles mentaux, souligne Aoife O'Donovan, professeure associée au service de psychiatrie de l'université de Californie, à San Francisco.
Des professionnels de la santé mentale nous disent comment reconnaître certains des signes qui indiquent l'apparition d'un traumatisme causé par la pandémie, d'un trouble mental lié à ce traumatisme, ou d'un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
En ces temps difficiles, il peut être compliqué de se rendre compte à quel moment nos réactions face à la pandémie deviennent préoccupantes, explique Matt Robinson, directeur du service d'accueil de jour de l'Hôpital McLean, dans le Massachusetts.
Il invite les gens à ne pas s'inquiéter outre-mesure. Si vous êtes souvent agité·e en ce moment, que vous buvez un peu plus de vin que d'habitude (attention, un peu seulement !) ou que vous avez besoin de soutien pour gérer vos émotions, c'est normal.
Depuis le début de la pandémie, Matt Robinson s'efforce d'aider les gens à normaliser leurs comportements et de leur rappeler que nous avons tous des difficultés à faire face à la situation. Même si les mécanismes de défense que nous mettons en place ne sont pas toujours les meilleurs, ils ne deviennent véritablement problématiques que s'ils affectent notre santé et notre sécurité.
Cela signifie que si vos mécanismes de défense vous rendent incapables de prendre soin de vous-même et de vivre au quotidien, ils cachent sans doute un problème plus sérieux.
Pour mieux supporter l'isolement causé par notre nouvelle réalité, beaucoup se sont tournés vers les substances addictives comme l'alcool. Même si Matt Robinson insiste sur le fait que ce n'est pas nécessairement un problème, il y a une ligne à ne pas franchir entre ce qui est acceptable et ce qui indique un trouble plus grave.
Boire une bière bien fraîche ou un verre de vin rouge est depuis longtemps vu comme un moyen de lutter contre le stress. Or, en ce moment, nous sommes tous plus stressés que d'habitude. Toutefois, la consommation excessive de boissons alcoolisées ou de drogues peut être liée à un traumatisme ou un SSPT, surtout si cette habitude perturbe votre vie.
Si votre consommation vous empêche d'aller au travail ou de faire face à vos autres responsabilités quotidiennes, vous êtes sans doute aux prises avec quelque chose de plus grave qu'un simple stress.
D'après Caroline Vaile Wright, le comportement d'évitement est le signe le plus courant de traumatisme ou de SSPT. On peut, entre autres, refuser de parler de son expérience traumatisante, éviter les personnes qui nous rappellent ce traumatisme ou ne pas vouloir se rendre dans les endroits associés à cette expérience.
En matière d'exemples liés à la pandémie, citons le fait d'éviter les rendez-vous médicaux alors que l'on présente des symptômes du Covid-19, ou la peur de quitter son domicile pour faire des achats de première nécessité.
En général, ce phénomène est si prégnant qu'il interfère avec nos besoins quotidiens (comme vous pouvez le constater, toute perturbation de la vie quotidienne est un indice majeur de l'existence d'un traumatisme ou d'un SSPT).
Tout changement de comportement à la suite d'un traumatisme doit attirer l'attention, insiste Aoife O'Donovan. Un des indices les plus significatifs est l'adoption de comportements à risque.
"Parfois, quand on observe des proches qui ont subi un traumatisme, leur comportement dangereux et autodestructeur nous saute aux yeux, mais nous ne l'interprétons pas forcément comme le symptôme d'un trouble mental", précise la spécialiste, ajoutant que les comportements inquiétants sont ceux qui menacent la vie de la personne ou ses relations avec autrui.
"Les gens se mettent parfois à conduire de façon imprudente ou à avoir des rapports sexuels à risque", indique-t-elle. Nous n'associons pas toujours ces deux comportements au SSPT ou à un traumatisme, alors qu'ils peuvent en être le signe.
Selon Matt Robinson, une tendance inhabituelle à l'irritabilité ou à la colère doivent aussi nous alerter. Il ne s'agit pas seulement de laisser exploser sa frustration de temps en temps.
"Il ne faut pas que cette irritabilité ou cette colère débordent et deviennent source de détresse pour les enfants ou d'autres proches", explique-t-il. "C'est à ce stade que je commence à m'inquiéter pour les gens."
En d'autres termes, si votre état de colère prolongé provoque du stress chez les personnes qui vous entourent et met vos relations en péril, il est sans doute temps d'en parler à un professionnel de la santé mentale.