« Un antisémite et un raciste » qui « ne fait plus rire personne ». Manuel Valls a confirmé samedi son intention de « tout faire » pour interdire les spectacles de Dieudonné dans une interview donnée au Parisien. « Une nouvelle limite, extrêmement grave, a été franchie » a-t-il ainsi souligné, rappelant notamment les propos de Dieudonné à l’encontre des journalistes Frédéric Haziza et Patrick Cohen. Pour le ministre, le trouble à l’ordre public « existe » désormais et il compte bien « adresser une instruction aux préfets » : « À l'occasion de chaque spectacle, ils devront apprécier si le risque de trouble est caractérisé et justifie d'interdire la représentation ». Et si l’annonce a reçu un certain nombre de soutien et notamment celle du président de la République, cette proposition reste pourtant diversement appréciée, y compris chez les opposants à l’humoriste controversée.
L’avocat @Maitre_Eolas, très suivi dans le monde judiciaire, a ainsi critiqué l’annonce du ministre de Intérieur après avoir dénoncé les propos antisémites de Dieudonné. « Oui à une sanction a posteriori, non à une censure », a-t-il ainsi écrit sur Twitter.
2/2 Je critique l'annonce du ministre de l'intérieur de vouloir interdire ses spectacles. Oui à une sanction a posteriori,non à une censure.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) 27 Décembre 2013
Même son de cloche du côté du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) qui vient d’annoncer qu’il poursuivrait Dieudonné pour ses propos « ignominieux » contre le journaliste Patrick Cohen. Pierre Mairat, l'un des co-présidents de l'association s’est ainsi dit « dubitatif » sur la démarche du ministre de l'Intérieur. Pour lui, il faut combattre « politiquement » Dieudonné plutôt que tenter d’interdire ces spectacles. Et quand bien même, a expliqué l’avocat pénaliste Gégory Kagan à l’AFP : « En France, on ne sanctionne pas dans l'hypothèse qu'un délit sera commis. D'autant qu'il n'y a jamais eu de débordements majeurs en marge de ses spectacles ». Par ailleurs, estime le pénaliste, faute d’avoir été condamné suffisamment de fois, on ne peut pas l’empêcher d’ « exercer son activité au prétexte que son spectacle est une tribune pour faire l'apologie du racisme ou des crimes contre l'humanité ». Seule solution donc selon Gégory Kagan « sanctionner à chaque dérapage ».
Mais pour d’autres, cette interdiction pourrait même servir Dieudonné, ainsi érigé en victime et en martyr de la liberté d’expression. Sur Twitter, certains accusent Manuel Valls de lui faire « une publicité gratuite » à l'ex-humoriste voire d’encourager ainsi les quenelles.
Manuel Valls fait un excellent attaché de presse. En 24 h, il a réussi à obtenir la une du Parisien à Dieudonné. pic.Twitter.com/YrrbmLPDgw
— Christophe Carron (@krstv) 28 Décembre 2013
#Dieudonné commet des provocations misérables et méprisables mais #Valls tombe dans le panneau en lui offrant 1 publicité gratuite #e1matin
— Geoffroy Didier (@GeoffroyDidier) 30 Décembre 2013
Dans le plus du Nouvel Observateur, l’historien Giuseppe Di Bella partage cette opinion : « L’interdiction de ses spectacles, qui semble être une bonne initiative, pourrait se retourner contre le gouvernement et ses représentants. Les Français ont horreur de la censure. Ils sont très attachés à la liberté d’expression. Liberté d’expression que l’humoriste utilise en permanence à mauvais escient en propageant des idéologies qui sont contraires aux valeurs de la République. La viralité de la "quenelle" est juste une partie émergée de l’iceberg. » Pour l’historien, ce n’est donc pas au ministère d’interdire mais « même si l’issue est incertaine », plutôt aux « maires des villes dans lesquelles il souhaite se produire » d’intervenir. Les maires de Nantes, Marseille et Bordeaux ont d’ailleurs annoncé avoir déjà saisi les préfets pour obtenir l'interdiction des spectacles de Dieudonné dans leurs villes depuis l’annonce vendredi du ministre de l’Intérieur.
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Dieudonné: Valls laissera aux préfets le choix d’interdire ses spectacles
Dieudonné répond à Yann Barthès sur la “quenelle” au “Petit journal”