On s'y attendait, on la redoutait et l'annonce est finalement tombée ce 8 septembre, presque en douceur : la reine est morte. Et malgré nous, fervent·e·s partisan·e·s de la République, nous n'avons pu nous empêcher d'avoir le coeur serré. Voire même de lâcher une larmichette. Mais pourquoi l'annonce de la disparition de la reine d'Angleterre nous touche-t-elle autant ? Spoiler : ce n'est pas sale.
David Kessler, spécialiste du deuil et fondateur de Grief.com, explique à People : "C'est vraiment comme une matriarche qui meurt". Car Elizabeth II, pour la plupart d'entre nous, aura toujours été là. Une figure familière, presque intime. La reine était cette petite grand-mère un peu guindée portant des chapeaux rigolos que l'on apercevait à la télé, sur les couvertures de journaux ou dans les boutiques de souvenirs lors de nos voyages scolaires à Londres. Une silhouette qui a traversé les années jusqu'à devenir une toile de fond de nos vies.
"Ces figures nous relient aussi à nous-mêmes. Nous nous souvenons non seulement de leurs événements marquants, mais aussi de la façon dont ces événements marquants sont liés aux nôtres. Sa mort n'est pas seulement la fin de sa vie, mais elle reflète nos propres passages dans la vie."
En Angleterre, bien sûr, la disparition de la reine résonne comme la fin d'une époque dans un pays où Elizabeth incarnait une forme de stabilité. "Les gens peuvent avoir l'impression que c'est la fin d'une époque, ou la fin d'une certaine façon dont le monde fonctionne", analyse le professeur de psychologie clinique et directeur du Loss, Trauma, and Emotion Lab à l'université de Columbia, George Bonanno.
"Je pense qu'une grande partie de ce que les gens apprécient dans la monarchie semble être cette sorte de stabilité et de comportement, cet ancien ordre mondial - même si une grande partie est fictive. Et Charles est le prochain. Et il n'a pas le même cachet qu'Elizabeth. Les gens peuvent donc le voir comme la fin de ce genre de monde distingué, ordonné et prévisible."
La disparition de la reine peut se révéler également être un "trigger" chez certaines personnes, un déclencheur ravivant une douleur enfouie qui n'avait pas été traitée ou résolue, explique l'expert David Kessler. "Soyez donc conscient que cela peut arriver et si vous réalisez que vous avez un vieux chagrin, ce n'est pas un ennemi, c'est juste un rappel. Il frappe à votre porte et demande un peu d'aide."
Encore une fois, on prend notre peine par la main au lieu de la cacher et d'en avoir honte. Et on l'accepte. Peut-être est-ce l'occasion d'enfin prendre rendez-vous chez le psy ?
Alors bien sûr, certaines personnes de votre entourage trouveront votre tristesse ridicule, voire déplacée. Pourquoi pleurer cette reine qui n'était pas la nôtre, nous, fiers Sans-culottes ? Le mieux est de trouver des interlocuteur·rice·s qui comprendront voire partageront votre sentiment, conseille ainsi le professeur Bonano. "Connectez-vous avec d'autres personnes qui se sentent comme vous. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire son deuil."
Les jours de commémoration qui s'annoncent devraient vous apporter du réconfort et donner un peu plus de sens à ce deuil collectif finalement planétaire (car oui, vous n'êtes pas seul·e, loin de là). "Donnez-vous la permission de savoir que cela a signifié quelque chose pour vous."