"C'est un droit, mais c'est toujours un drame pour une femme." Une nouvelle fois, Emmanuel Macron parle de l'avortement usant de cet argument majeur de la rhétorique anti-IVG : les conséquences psychologiques néfastes sur les femmes. Et culpabilise celles qui y ont recours.
Lors de la présentation de son programme ce 17 mars, le président de la République s'est certes engagé jeudi 17 mars à ne pas revenir sur l'extension à 14 semaines du délai légal, contre laquelle il s'était positionné. "Je respecte la loi de la République. Je l'ai promulguée, je ne la remettrai pas en cause, elle sera maintenue", affirme-t-il.
Mais il ne peut s'empêcher d'ajouter alors : "C'est toujours un moment difficile quand une femme a à se soumettre à ce choix médical", qui "marque les femmes à vie". Des propos qui, une fois de plus, ont immédiatement provoqué des réactions indignées.
Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron s'exprime sur ce sujet et tient des propos stigmatisants pour les femmes, notamment pour celles ayant eu recours aux 220.000 IVG (en 2020).
"L'IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l'humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c'est d'avorter...", répondait déjà Emmanuel Macron dans l'interview accordée au magazine Elle jeudi 1er juillet 2021.
Contactée à l'époque par Le HuffPost, Laurence Rossignol affirmait que ces propos, venant d'un président "qui prétend porter la grande cause de l'égalité" étaient une "assignation des femmes au traumatisme."
Coprésidente nationale du Planning Familial et contactée par Le HuffPost, Sarah Durocher, se disait elle "très en colère" : "Qu'un chef de l'État ait cette position est vraiment inacceptable et c'est une preuve qu'il n'écoute pas les associations féministes et les femmes", ajoutait-elle.
Le fait qu'une IVG aurait des impacts sur la santé mentale des femmes, ou l'existence d'un syndrome post-avortement, sont de vieilles ritournelles. "Emmanuel Macron reprend mot pour mot toute la rhétorique des anti-IVG. Et c'est soit dissuasif, soit culpabilisant, car celles pour qui cela n'a pas été traumatisant, ou pour qui le traumatisme aurait été de ne pas faire d'IVG, seront considérées comme des monstres", lançait Laurence Rossignol.
"Le terme 'traumatisant' est un terme d'anti-choix", notait d'ailleurs également Sarah Durocher. Sur le site ivg.net, tenu par un couple de militants catholiques, on peut ainsi lire que "65 % des femmes ont des symptômes de troubles post-traumatiques", et que "la dépression, le suicide, le retrait relationnel, la perte de l'estime de soi, le sentiment aigu de culpabilité, de honte de soi, d'échec de sa maternité" sont autant de risques auxquels s'exposent les femmes qui pratiquent l'IVG.
"Sur les sites activistes anti-IVG, et en particulier ceux qui tiennent des lignes d'écoute, on dit aux femmes que le traumatisme est obligatoire et consubstantiel à l'IVG. Or, c'est faux", rétorque Laurence Rossignol. "Les femmes peuvent le vivre différemment. Il y a autant d'IVG que d'histoires. Personne ne dit que c'est un moment agréable, mais un traumatisme suppose un choc, une violence et des séquelles psychologiques. Et je conteste cette idée que l'IVG est forcément un traumatisme." Ou un drame.
Les études scientifiques et avis d'experts sur le sujet sont loin d'être aussi catégoriques. Dans une vidéo publiée sur le site du gouvernement, le gynécologue Philippe Faucher explique que "la majorité des études scientifiques sérieuses qui ont été publiées sur le sujet montrent qu'il n'y a pas de séquelle à long terme psychologique de l'avortement. Il n'y a pas de syndrome post-traumatique qui persisterait à distance, plusieurs années après un avortement."
Il souligne toutefois qu'au moment de l'IVG, "ce n'est pas un moment très agréable à passer". Mais, là encore, "c'est comme pour la douleur physique, il y a des femmes qui le vivent on va dire plutôt bien et puis il y a des femmes qui le vivent plutôt mal : donc qui sont tristes, qui pleurent. Et à ce moment-là il ne faut pas hésiter à demander à des professionnels formés à l'accompagnement psychologique de vous aider."
Si l'on veut des chiffres, on peut se tourner vers une étude menée par l'Inserm en 2013. Celle-ci, qui compile des travaux réalisés au fil des années, montre que 6,5% de femmes interrogées ayant vécu un avortement souffrent d'anxiété généralisée, contre 7,4% pour celles qui n'ont jamais avorté. En ce qui concerne le syndrome d'anxiété sociale, il est également plus présent chez les femmes n'ayant pas avorté (13,4%) que chez les femmes ayant vécu une IVG (11%).