C'était l'une des promesses tonitruantes de Nicolas Sarkozy. En 2006, s'il était élu, il avait promis une France où personne ne dormirait plus jamais dehors. Il avait probablement en tête l'exemple de certains pays nordiques qui arrivent par la force des choses à faire disparaitre la très grande précarité des SDF parce que dormir dehors signifie aussi mourir de froid dans ces pays.
A l'époque, Nicolas Sarkozy surfait aussi sur l'épisode médiatique des Don Quichotte et des tentes Décathlon plantées le long du canal Saint Martin. Depuis, en sortant le soir dans Paris ou dans d'autres grandes villes de France, rien n'a changé. Certains pensent même que tout s'empire, comme Xavier Emmanuelli, l'ancien patron du Samu social, démissionnaire de son poste le mois dernier pour dénoncer le manque de moyen des équipes de maraudes qui vont à la rencontre des gens à la rue.
Pour que la situation s'améliore, il faudrait que les Français s'en rendent comptent et surtout, en tiennent compte politiquement parlant. C'est probablement pour cela que les hommes politiques ne considèrent pas le sujet comme prioritaire, et ne le prennent souvent que sous l'angle sécuritaire plutôt que social.
Dans le JDD, l'ex-ministre du Logement, Christine Boutin aujourd'hui candidate à l'élection présidentielle sous les couleurs du Parti Chrétien Démocrate, qui n'a pas démérité avec la création du Droit au Logement lorsqu'elle était en charge de ce dossier, a dénoncé un "manque de volonté politique en général". Pour elle, depuis son passage au ministère du Logement "la situation ne s’est pas améliorée et dans les choix budgétaires qui ont été pris, la question de l’hébergement d’urgence ne figure pas".
Dans les grandes villes, la situation est préoccupante. Le voisinage ne s'intéresse plus à vous (contrairement à la relation sociale qu'on peut nouer dans certains plus petits villages par exemple) et le prix de l'immobilier est plus cher.
Le nouveau symptôme de l'aggravation des difficultés des sans-abri, c'est le nombre de jeunes enfants aujourd'hui sous les ponts. Médecins du Monde explique d'ailleurs que les périodes difficiles commençaient habituellement au moment des pics de froid hivernaux et vers le 31 mars, à la fin de la trêve hivernale des expulsions et des solutions temporaires d'hébergement hivernal. Mais depuis quelques années et particulièrement ces derniers mois, le nombre de personnes dans la rue ne cesse de grandir, hors période hivernale. Ce n'est pas parce que les gens meurent l'hiver qu'ils sont heureux l'été.
Les Restos du Cœur reçoivent chaque année plus de jeunes couples paupérisés. Les Petits frères des pauvres mobilisent en ce moment leurs équipes dans toute la France et lancent une campagne de dons pour pouvoir répondre à toujours plus de demande. D'après certains spécialistes, l'absence de mesure radicale (construction d'hébergements d'urgence, de nouveaux HLM de transition entre la rue et le retour à une situation normale, d'accompagnement des femmes battues qui se retrouvent souvent à la rue, d'aide aux orphelins isolés…) vient notamment du fait qu'aucun homme politique ne s'intéresse sérieusement, "pour de vrai", à la question.
Les SDF ne votent pas, sont souvent étrangers ou marginaux. Pourquoi s'occuper en priorité d'eux ? Et pourquoi dépenser des millions (des milliards ?) alors qu'on coupe les budgets pour "les vrais électeurs" ? C'est pourtant la preuve d'une société mature que de bien s'occuper des exclus.
Le sujet n'intéresse pourtant que les "petits" candidats à la présidentielle. Ne méritent-ils pas, alors, de gagner en galons ce qu'ils perdent à ne pas parler de sujets plus "rentables" parce qu'ils n'oublient pas la détresse de ceux qui ne votent pas ? Les hommes politiques devraient pourtant savoir que ce qui est bon pour les plus faibles est toujours bon pour les plus forts. Et que si le superflu des riches devrait servir pour le nécessaire des pauvres, le contraire est aussi vrai, et le nécessaire des pauvres devrait servir aussi pour le superflu des riches.