Le député Yves Jego a déposé le 8 octobre dernier devant les deux assemblées un projet de loi qui aurait dû mettre tout le monde d'accord : celui de proposer un menu alternatif végétarien dans les cantines scolaires. Projet laïc et écologique sur le papier et solution aux problématiques posées par les interdictions religieuses (viande hallal, casher ou poisson le vendredi) qui poussent nombre d'enfants à devoir refuser les protéines animales qui leur sont proposées le midi, celui-ci est pourtant loin d'emporter tous les suffrages alors qu'à Chalon, aujourd'hui, le maire a décidé de ne plus servir de menus sans porc aux élèves.
Partis sur place recueillir les témoignages des parents d'élèves, les journalistes du Parisien ont trouvé des parents musulmans désolés par le symbole que représente cette décision de la commune, sonnant comme une "mise à l'écart de la communauté musulmane". Pourtant, en pratique, les menus de substitution, jusqu'alors "sans porc", semblaient ne pas offrir de réelle solution, ainsi qu'en témoigne une mère de famille : "Que ce soit du porc ou une autre viande, mes enfants n'en mangeront pas parce qu'elle n'est pas halal". Quid de l'alternative végétarienne, alors, qui remplacerait les protéines animales par d'autres végétales, et offrirait ainsi une réelle solution nutritionnelle et laïque ?
Cosignée par Cécile Duflot et Laurence Abeille, mais aussi par la sénatrice Chantal Jouanno, la proposition des menus "verts" inquiète certains parents qui redoutent d'éventuelles carences que pourrait provoquer cette suppression de la viande dans les menus de leurs enfants. Nous avons interrogé à ce propos Raphaël Gruman, nutritionniste et auteur de La Méthode Gruman*. Si l'alimentation végétarienne pour l'adulte "discipliné" ne pose pas de problème selon lui, l'expert déconseillerait pour sa part celle-ci en milieu scolaire.
"Equilibrer une alimentation est difficile en soi, et plus encore dans des cantines. On utilise beaucoup de légumes secs comme les lentilles, les fèves ou les haricots secs pour compenser l'apport en protéines animales or, ce sont des aliments que les enfants n'aiment pas, c'est un fait. J'ai peur que dans ce cas, ils reportent leur attention uniquement sur les pâtes et le riz, voire le pain comme seul aliment du repas du midi, lequel serait alors bien trop riche en sucre." Certes, mais n'oublions pas que le projet de loi parle d'alternative et non d'un menu unique et végétarien pour tous. "Mais les cantines scolaires ont déjà beaucoup de contraintes", avance Raphaël Gruman. "Les communes qui ont de l'argent pourront peut-être proposer plusieurs menus mais certainement pas toutes. "
Pour Erwan Mentheour, auteur de Et si on décidait d'aller bien** et coach sportif nutrition parti en guerre contre les lobbies de l'industrie alimentaire, éduquer les petits à ce type d'alimentation serait au contraire une chance. "C'est un non-sens de dire que ce type de menus pourrait provoquer des carences ! Au contraire, il y a plein de façons de proposer des protéines non animales. Et puis, les nutritionnistes le savent, on n'est pas obligés de manger de la viande tous les jours. Mais c'est toujours la même chose, l'Education nationale est frileuse car soumise à certains lobbies. En ce moment, c'est la "semaine du goût" dans les écoles. Je rappelle que celle-ci est organisée par le Cedus (Centre d'études et de documentation du sucre), le lobby du sucre, lequel est censé apprendre à nos enfants à bien manger... Donc trois fois oui aux menus végétariens, qui seraient aussi un formidable symbole laïc !"
Soutenu par les défenseurs de la cause animale (et notamment Aymeric Caron et Allain Bougrain-Dubourg), de la laïcité et nombre de signataires de sa pétition mise en ligne, le projet d'Yves Jego prévoit une obligation pour les cantines de plus de 80 couverts de proposer l'alternative végétarienne à compter de septembre 2018. Aujourd'hui, plusieurs communes ont d'ores et déjà expérimenté la solution (à Strasbourg, Perpignan, Toulouse et Lyon notamment), montrant qu'un tiers des élèves optaient alors pour le sans viande.
Et vous, que pensez-vous de cette proposition ?
* La Méthode Gruman , Raphaël Gruman, éditions Leduc.
** Et si on décidait d'aller bien , Erwan Menthéour, Solar éditions.