La précarité menstruelle est un fait : les femmes n'ont pas toutes les moyens de se payer des protections hygiéniques (qui représentent une dépense de 26,4 € par an environ, selon Florence Fortune, rédactrice en chef des Petites Glo) et en souffrent aussi bien physiquement que socialement. A travers le monde, ce sont plus de 500 millions de jeunes filles et de femmes qui n'y ont pas accès, d'après CARE France. Des étudiantes, des sans-abris, des femmes aux petits revenus.
En Inde par exemple, de nombreuses écolières ne peuvent plus se rendre en cours pendant leurs règles car elles n'ont pas de quoi se protéger ni d'endroit où se changer. En France, les femmes SDF sont forcées d'utiliser des serviettes de fortune faites de papiers journaux ou de papier toilette, ce qui engendre des infections dangereuses.
Un fléau bien présent que notre pays avait du mal à attaquer concrètement (comparé aux actions de ses voisins européens, comme le Royaume-Uni), malgré les initiatives répétées des associations féministes, comme la pétition des Petites Glo qui demandait au ministre de l'Education un accès libre et gratuit à des protections périodiques bio dans tous les collèges et lycées de France.
Ce mardi 28 mai, à l'occasion de la journée mondiale pour l'hygiène menstruelle des femmes, les choses ont commencé à bouger dans le bon sens. Le gouvernement, à l'initiative de Marlène Schiappa, a décidé d'agir contre ce fléau et de "lever le tabou sur l'hygiène menstruelle", et a annoncé qu'il souhaitait expérimenter la gratuité des protections hygiéniques dans plusieurs "lieux collectifs" (établissements scolaires, hôpitaux, prisons).
La sénatrice Patricia Schillinger (LREM) a ainsi été chargée d'étudier "les objectifs et modalités" de la mise en place d'un tel dispositif, comme l'a souligné la secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes.
Un petit pas qui, s'il est mis en place de façon pérenne, pourrait changer radicalement le quotidien de nombreuses femmes dont l'accès aux tampons et serviettes est soit tabou, soit trop onéreux. Un petit pas qui aurait dû récolter un flot de réactions positives basées sur l'empathie et la solidarité. Mais c'était sans compter sur le comportement incompréhensible de certain.es internautes, qui ont saisi l'occasion pour déblatérer des paroles virulentes sans essayer de comprendre une seconde la situation.
Et pour la plupart, ces commentaires laissés sur les réseaux sociaux étaient signés par... des femmes. L'argument qui revenait le plus ? Le fait que ce ne soit pas si cher que ça, qu'on puisse aller s'en acheter "à 1,09 € chez Lidl" ou que l'on soit dans un pays "d'assisté.es" - le mot favori de toute une tranche de la population qui est par ailleurs bien contente de ne pas payer ses frais médicaux.
On rappelle que pour les femmes concernées par cette précarité menstruelle, 26 € par an RESTE un budget conséquent. De plus, les règles sont un phénomène mensuel naturel et relatif à la santé, qui nécessite donc une prise en charge totale (pour info, tout le monde n'est pas capable de contrôler son flux).
Ce n'est également pas à celles qui sont loin de ces situations de détresse isolante de juger si, oui ou non, l'achat de protections hygiéniques est possible dans un budget qui n'est pas le leur, dans un quotidien qui leur est complètement étranger, avec des besoins qui n'ont rien à voir avec ce qu'elles connaissent.
On conseille à toutes celles qui s'indigneraient contre cette mesure d'aller se renseigner sur le sujet avant de déballer une myriade d'arguments sans queue ni tête, et surtout sans coeur. Et pour celles qui oseraient comparer avec le papier toilette, comme l'indique très justement l'illustratrice Klaire dans un thread sur Twitter : le papier toilettes est DÉJÀ en libre-service dans les toilettes publiques.
On a encore du boulot.