Cassandre est au collège. Depuis quelques mois, elle vit une histoire d'amour avec un de ses camarades de classe. Ils s'aiment bien mais ne sont pas encore "passés à l'acte". Quand Cassandre lui dit qu'ils ne se reverront pas avant lundi, son amoureux lui envoie un SMS : "Si tu m'aimais comme je t'aime, tu trouverais le moyen de me faire patienter". L'adolescente le prend au mot : elle retire son tee-shirt et lui envoie une photo de sa poitrine.
Mais le lundi dans la cour de récré, les potes de l'amoureux de Cassandre, lui disent qu'elle se moque de lui. "Elle raconte à tout le monde que t'es encore puceau", lui balance une des filles. L'adolescent, qui semble les croire, s'isole. Il prend son portable, ouvre la photo de Cassandre en soutien-gorge et l'envoie à tous ses contacts. "Ça m'a pris deux secondes", constate l'ado.
Cassandre devient la risée de toute l'école : les filles ne lui adressent plus la parole, les mecs lui lancent des regards en coin et des sourires goguenards. Son portable n'arrête pas de sonner, elle reçoit des messages d'insulte. Elle se retrouve seule, et doit vivre avec la honte de la trahison et la douleur de voir son intimité dévoilée aux yeux de tous.
Mais heureusement, rien n'a été envoyé : le jeune garçon a seulement imaginé la scène, alors qu'il s'apprêtait à appuyer sur la touche "envoyer à tous". "J'ai failli faire quelque chose d'horrible", réalise-t-il. "Mais tu n'as rien fait. C'est ça qui compte", lui répond la voix désincarnée de Cassandre.
Ce scénario est proposé par le média Rose Carpet, qui dévoile une campagne consacrée au cyber-harcèlement à caractère sexuel et sexiste, à l'occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire consacré au thème de la cyber-violence. Cette quatrième édition se focalise particulièrement sur le sexting non consenti, c'est-à-dire l'envoi d'images à caractère sexuel sous l'effet de la pression ou du chantage.
Dans la vidéo de Rose Carpet, Cassandre a de la chance : son copain n'envoie rien. Mais dans la réalité, ce genre de choses arrive très souvent, surtout chez les adolescents. Connu sous le nom "revenge porn", ce phénomène consiste à poster sur Internet des photos intimes et privées de ses ex pour se venger.
"En France, il y a une loi qui punit contre la diffusion d'images d'une tierce personne sur le net sans son autorisation. Malheureusement, personne ne semble la connaître, et donc personne ne la respecte", nous expliquait la psychologue Catherine Verdier, autrice de l'ouvrage #J'aime les autres : Les bonnes relations à l'école.
On estime que tous les ans en France, près de 700 000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire. Selon des chiffres publiés ce jeudi par l'UNICEF, un enfant sur deux en est victime dès l'âge de 7 ans, et un adolescent sur quatre à partir de l'âge de 18 ans.
Pour sensibiliser sur ce fléau et en venir à bout, l'association e-enfance propose un numéro d'écoute spécialisé : 0800 200 tout au long de l'année. Le ministère de l'éducation nationale a également lancé le numéro d'appel national 3020, afin d'inciter les victimes à sortir du silence.