Il faut écouter le discours de la famille de Jacob Blake, criblé de balles par la police

Black Lives Matter. Des mois après la mort de George Floyd et de Breonna Taylor, c'est une sentence qui résonne encore à nos oreilles lorsqu'apparaît le nom de Jacob Blake. Le jeune afro-américain de 29 ans - et père de trois enfants - a lui aussi été victime d'un grave abus policier, le 23 août dernier, alors qu'il montait dans sa voiture, à Kenosha, dans le Wisconsin. Interpellé par les forces de l'ordre dans le cadre d'une dispute domestique, il aurait reçu pas moins de sept balles dans le dos. Et ce, alors que l'un des policiers était parvenu à le saisir. La scène a même été filmée.

Suite à son hospitalisation, conduit en soins intensifs, le constat est là : Jacob Blake devrait rester paralysé. Selon sa mère Julia Jackson, il "[se battrait] encore pour sa vie" à l'heure qu'il est. Une situation qui suscite l'indignation au sein du pays. Le sort de Jacob Blake a déjà donné lieu à plusieurs mobilisations, qui, elles-mêmes, n'ont pas été sans drames : deux personnes ont été tuées par balles lors d'une manifestation organisée le 25 août. Une fusillade qui, selon la police, serait née d'un conflit entre les manifestants et "une milice autoproclamée", relate Le Monde.

Mais les manifestant·e·s ne sont pas les seul·e·s à porter cette colère désormais. C'est aussi le cas de Raysean White, celui qui a filmé le drame. Il raconte à CNN : "La police veut que les gens sachent qu'elle est là pour nous protéger, mais elle donne constamment des raisons qui nous prouvent le contraire". Une allusion explicite aux discriminations et violences subies par les personnes noires, et encore impunies. "La police intervient sur un incident pour calmer une dispute, et un homme noir se fait tirer dessus", dénonce encore le témoin.

La famille de Jacob Blake partage cet écoeurement. "Je ne suis pas triste. Je ne suis pas désolée. Je suis en colère et fatiguée. Cela fait des années que je vois la police assassiner des gens qui me ressemblent. Je ne veux pas de votre pitié, je veux que cela change", a déclaré Letetra Widman, sa soeur, lors d'une conférence de presse.

Un discours puissant.

Durant la même intervention, Letetra Widman déclare étudier l'histoire des Afro-Américains. Ce dont est victime son frère serait la perduration sanglante d'injustices raciales qui ne datent pas d'hier. Elle évoque notamment le cas (historique) d'Emmett Louis Till. Au milieu des années cinquante, cet adolescent noir de l'Illinois a été torturé à mort et lynché par un groupe d'hommes blancs. "Sa vie compte", poursuit Letetra Widman à propos de son frère ("His life matters"), comme un écho au slogan Black Lives Matter. Elle poursuit : "C'est une vie humaine. Laissez ce mot mariner dans votre bouche, votre esprit. La vie d'un être humain".

Sur les réseaux sociaux, la parole de celle qui se dit "gardienne de son frère" émeut, éveille, et fédère."C'est une femme forte. Elle représente la colère de la communauté noire. Elle devrait se présenter aux élections à Kenosha", s'enthousiasme un internaute admiratif. "Déclaration percutante. Comment peut-elle rester si forte dans une telle situation ? Des prières pour Jacob Blake et toute sa famille. Cela ne devrait PAS se produire en Amérique !", s'indigne à l'unisson une voix anonyme. Et une autre de conclure : "La déclaration de Letetra Widman est puissante et malheureusement très vraie. Quand ne détournerons-nous plus les yeux, quand cesserons-nous d'être bien trop insensibles aux injustices vécues par nos semblables ? Quand ?".

Un autre discours a provoqué l'émoi : celui de la mère de Jacob Blake, Julia Jackson, qui va bientôt porter plainte. Suite aux manifestations organisées en l'honneur de son fils, cette dernière en appelle à la lutte pacifiste. Elle le clame : "Si Jacob savait ce qu'il se passe, la violence et la destruction, il serait très mécontent. Nous sommes humains. Nous avons besoin de guérir. Personne n'est supérieur à l'autre. Utilisons notre coeur, notre intelligence et notre amour pour avancer ensemble". De quoi inspirer de futures mobilisations collectives.

"Je ne peux même pas imaginer la douleur incroyable et la souffrance que doit ressentir Julia Jackson. Mais je comprends ses paroles. Son discours est INCROYABLE. Je suis tellement en colère que des discours comme le sien doivent être prononcés, encore et encore et encore", a déploré un internaute féministe et militant. Un mot-clé à l'appui, le même, toujours, à la fois puissant et tragique : #BlackLivesMatter.