Chaque jour, à la tombée de la nuit, elles tentent de monter clandestinement à bord des trains et des camions qui se rendent en Angleterre, après avoir marché pendant plusieurs heures et évité les policiers qui montent la garde. Souvent, la police les déniche, cachées dans la remorque d'un camion, et les chasse, parfois à coups de matraques et de bombes lacrymogènes. Les voilà obligées de rebrousser chemin et de retourner au camp de fortune. Moins rapides que les hommes, les femmes, qui sont souvent accompagnées d'enfants, qu'il s'agisse des leur ou de membres de leur famille, ont plus de mal à monter à bord des véhicules à destination de l'Angleterre.
The Guardian publie sur son site un reportage sur ces femmes originaires d'Erythrée, de Syrie, du Soudan, de Guinée, qui tentent de traverser la Manche pour rejoindre l'Angleterre. Hormis quelques articles de-ci de-là, on parle peu de la situation des femmes migrantes à Calais, malgré leur nombre croissant.
Parmi elles, Hannah, une Syrienne dont le mari a obtenu l'asile en Grande-Bretagne, mais à qui on a interdit de faire venir son épouse. "Je suis très fatiguée et stressée. La seule chose qui m'intéresse, c'est d'aller en Angleterre." La veille, elle est parvenue à s'introduire dans un camion, mais les chiens des policiers ont flairé sa présence. Retour à la case départ.
Plus de deux cent femmes tentent de survivre dans le camp principal, laissé sans surveillance et dépourvu d'équipements sanitaires réservés aux femmes, faute de place dans le centre spécial d'hébergement qui leur offrirait un endroit sûr. "Ils disent qu'il n'y a pas de place pour moi avec les autres femmes. Je dois dormir dans la zone des hommes", déclare Hannah au Guardian. Et cette dernière d'expliquer comment on lui a refusé l'accès aux douches réservées aux femmes, sensées être ouvertes à toutes.
Livrées à elles-mêmes, les femmes sont jetées en pâture aux hommes et doivent se trouver des protecteurs au sein du camp. "Elles sont davantage victimes de harcèlement, il n'y a aucun doute, et elles doivent trouver des moyens de protection, mais cela n'est jamais gratuit", explique Maya Konforti, une volontaire travaillant pour l'association L'Auberge des Migrants.
Pour survivre, nombre d'entre elles se prostituent avec des passeurs, des migrants et des Calaisiens. Interviewé par Les Inrocks en décembre dernier, le docteur Martine Devries, responsable à Calais de la mission Médecins du Monde, affirmait que "les femmes ont toutes subi violences et abus sexuels".
Les journalistes qui ont tenté d'interviewer ces femmes qui tentent de rester en vie ont souvent constaté qu'elles refusaient de raconter leur périple pour arriver en France. "Elles ne peuvent pas se permettre de ressentir des choses, elles ne peuvent pas se permettre de se souvenir des difficultés rencontrées, parce que sinon elles ne pourraient pas continuer. Elle ne veulent pas parler de ce qu'elles ont vécu", explique Maya Konforti au Guardian.