Culture
« La tête à Toto » de Sandra Kollender : le handicap brossé à l'humour noir
Publié le 11 août 2012 à 09:00
Par Fanny Rivron
« La tête à Toto » (Éd. Steinkis) de Sandra Kollender, c'est un court récit incisif et drôle sur une poissarde qui accumule les tuiles : premier amour décédé, enfant handicapé, et sein gauche douloureux. C'est grinçant, atrocement triste et à hurler de rire. À lire.
« La tête à Toto » de Sandra Kollender : le handicap brossé à l'humour noir « La tête à Toto » de Sandra Kollender : le handicap brossé à l'humour noir© Akim Zérouali
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« Mon karma est un des plus moisis que j’aie croisé récemment. Une rareté » c’est ainsi qu’Anna, l’héroïne de « La tête à Toto », entame son récit. De fait, la jeune femme aura tout éprouvé : un premier amour fabuleux mais foudroyé par une tumeur, un bébé adorable aux grands yeux bleus mais atteint du syndrome de West* et la ribambelle de galères qui en découlent : examens, hôpital, démarches administratives, la crèche, l’école, sans compter les histoires d’amour qui capotent, un père qui tombe malade puis tombe tout court et un sein gauche qui commence à lancer.

L’histoire d’Anna et de son fils Noé, c’est celle, à peine déguisée, de Sandra Kollender. Un vécu aigre-doux que l’auteur raconte d’une traite, sans une once de pathos mais avec vivacité, une amertume, et une drôlerie un rien cruelle qui n’épargne ni son fils, « le Pacmac en poussette », ni elle-même, tour à tour frivole, méchante ou mère indigne.

Elle décrit avec scepticisme les méthodes des médecins, avec rage et désespoir ses démêlées avec le système éducatif français, inepte et d’une rigidité consternante envers ces enfants handicapés, sa bataille permanente « contre l’État, les écoles et les préjugés », un lutte pour son fils qu’elle résume ainsi : « vivre chaque jour avec un cœur mort en chantant "Meunier tu dors" avec les mains qui tournent et le changement de rythme et tout et tout ». « La tête à Toto » est un beau petit morceau de littérature sur un amour maternel oscillant entre frustration et joie intense, qui serre la gorge et donne envie d’avancer.

*Une forme rare d’épilepsie qui se manifeste par la survenue de séries de contractions musculaires involontaires (spasmes) chez les nourrissons. Le syndrome de West s’accompagne d’un ralentissement du développement de l’enfant, voire d’une régression. Les spasmes peuvent disparaître sous traitement, mais laissent parfois des séquelles intellectuelles et motrices importantes.

« La tête à Toto » de Sandra Kollender, Éd. Steinkis, 9,50€

Crédit photo : Akim Zérouali

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