« La loi Leonetti est hypocrite »
« L’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité milite depuis 32 ans pour offrir à chaque Français la possibilité de placer sa volonté en matière de fin de vie au cœur des décisions médicales. Nous nous battons pour que les patients puissent choisir entre l’aide médicalisée et active à mourir, le suicide assisté - déjà en vigueur en Suisse -, ou de véritables soins palliatifs, tels que ceux proposés dans les pays du Benelux. J’insiste sur le fait que nous parlons bien ici de personnes âgées et en fin de vie, atteinte d’une maladie incurable. Par ailleurs, nous pensons également que les personnes souhaitant aller au bout de leur maladie devraient pouvoir le faire sans qu’un médecin provoque leur mort sans en avoir reçu l’autorisation. Quelle que soit la volonté du patient, celle-ci doit en effet être respectée. Or, chaque année, 25 000 malades décèdent en France, dans les hôpitaux, des suites d’une décision du corps médical prise en réanimation.
Les personnes opposées à l’euthanasie estiment que la loi Leonetti sur la fin de vie a déjà réglé ce problème, les pouvoirs publics affirment, quant à eux, qu’elle permet de résoudre 97 % des cas de fin de vie. Mais c’est faux ! Pour preuve, le rapport de l’Observatoire national de la fin de vie publié mi-février constate qu’on ne sait rien sur la fin de vie ; une conclusion qui conforte l’ADMD dans ses positions.
Outre le fait qu’elle interdise l’acharnement thérapeutique – ce qui constitue son unique point positif -, la loi Leonetti est mal conçue, imparfaite et hypocrite. Elle donne tous les pouvoirs aux médecins, pour la simple et bonne raison que c’est une loi élaborée par le corps médical pour le corps médical. Elle comporte tout un arsenal d’articles permettant à ces derniers, tout en se sachant protégés, d’agir sans prendre en compte la volonté du patient. C’est ainsi qu’elle ouvre la voie à des dérives telle que l’affaire Bonnemaison qui a éclaté l’été dernier.
Avec la campagne présidentielle qui bat son plein, nous souhaitons imposer la question de la légalisation de l’euthanasie au cœur du débat et attirer l’attention de l’opinion. C’était ainsi le but recherché avec la campagne choc mettant en scène des politiques opposés à l’euthanasie dans un lit d’hôpital. Les mêmes affiches, en novembre 2011, avec des inconnus étaient, elles, passées complètement inaperçues. Nous avons voulu interpeller ces personnalités, aujourd’hui considérées comme des décideurs, sur le fait qu’elles pourraient un jour se retrouver dans une position où elles ne seraient plus libres de leurs choix. François Bayrou a réagi en affirmant que cette campagne ne le choquait pas, qu’il n’avait pas peur de sa propre mort mais plutôt de la douleur qu’elle infligerait à ses proches. Quoi qu’il en soit, le débat est maintenant lancé. »
« Pour l’euthanasie, comme pour la peine de mort, la porte doit être ouverte ou fermée »
« Nous sommes à la fois opposés à l’acharnement thérapeutique et à l’euthanasie, deux formes de violence qui peuvent être évitées grâce aux soins palliatifs. Nous ne sommes pas pour autant pour la vie à tout prix, mais nous refusons simplement qu’un médecin puisse être autorisé à donner la mort délibérément. Permettre un acte si lourd de conséquence, constituerait un terrible basculement dans la transgression. S’agissant de l’euthanasie, comme de la peine de mort, la porte doit être ouverte ou fermée ; il ne peut y avoir de règle intermédiaire. Par ailleurs, lever l’interdit de tuer serait source de peur et de confusion pour de nombreux patients ainsi que pour leurs proches. Une angoisse exacerbée par l’affaire de Bayonne, dans laquelle le docteur Bonnemaison est soupçonné d’avoir euthanasié au moins sept personnes. Aujourd’hui, beaucoup de patients âgés de 80 ans et plus craignent déjà l’injection létale. Qu’en sera-t-il si l’euthanasie est effectivement légalisée ? Le lien de confiance entre le soignant et le soigné serait rompu, or, il doit absolument être préservé.
Sachez par ailleurs que l’euthanasie est plus souvent demandée par le corps médical ou la famille que par le patient lui-même. En cause, une fracture quant à la dignité du malade. L’Alliance pour le droit à la vie considère qu’une personne est digne toute sa vie, quel que soit l’instant, quel que soit son état de fatigue. Un « mourant » ou un « légume » n’existe pas. De plus, il arrive régulièrement qu’après des moments difficiles, des patients que les équipes soignantes pensaient condamnés vivent, avec leurs proches, des moments stupéfiants, des « instants précieux ». En légalisant l’euthanasie, comment savoir si on ne vole pas à ces patients ses derniers moments de bonheur ?
Les partisans de l’euthanasie considèrent qu’elle est le seul moyen de mourir dignement, comme si elle était la mort par excellence. J’aimerais leur rappeler qu’elle ouvre surtout la voie à de nombreuses dérives. Ainsi, aux Pays-Bas, en Hollande ou en Suisse, des enfants, des personnes dépressives ou atteintes d’Alzheimer – et ne pouvant donc pas prendre de décisions par elles-mêmes - ont été euthanasiées. Pire, aujourd’hui, la moitié des euthanasies réalisées en Flandre ne sont pas déclarées, les médecins allant régulièrement au-delà de leurs prérogatives. Quant aux Français, la plupart ignorent la définition exacte de l’euthanasie. Selon un sondage de 2011, 68 % ne savent pas que l’acharnement thérapeutique est interdit par la loi française. Beaucoup ne connaissent pas cette loi Leonetti sur la fin de vie. Ils ignorent par exemple qu’ils ont le droit de refuser des traitements et ce que les soins palliatifs recouvrent. Or, ce sont eux qui procurent la vraie mort dans la dignité. L’euthanasie n’est pas la panacée en matière de fin de vie.
Enfin, en désaccord avec les associations pour lesquelles l’aide active à mourir ou le suicide assisté sont d’ultimes libertés, nous sommes plutôt de l’avis de Robert Badinter. Comme lui, je trouve très particulier d’imaginer qu’on puisse se sentir libre d’obtenir la mort. Ne soyons pas hypocrite, une décision aussi extrême ne peut qu’être dictée par une contrainte, de la douleur ou de la culture dominante de la toute puissance, celle-ci ne laissant pas de place à la vulnérabilité. Les malades se feraient donc un devoir de demander l’euthanasie pour ne pas être un poids pour leur famille ou pour la société. Or, nous devons être solidaires des plus fragiles, leur montrer qu’ils ont le droit d’exister et que leurs proches et les équipes soignantes sont là pour les soutenir jusqu’au bout. »
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