Sonnés, traumatisés, mais bien décidés à continuer de jouer. C'est ce qui ressort de la longue interview qu'ont accordé les membres de Eagles of Death Metal à Shane Smith, le fondateur du site Vice . Mise en ligne mercredi 25 novembre par le site canadien et longue de 26 minutes, la vidéo est issue de deux entretiens.
Hormis un post relayé sur leur page Facebook le 18 novembre dernier, c'est la première fois que les Eagles of Death Metal reviennent sur leur concert au Bataclan au cours duquel 89 personnes ont perdu la vie.
Visiblement bouleversé, le chanteur et guitariste Jesse Hughes est entouré dans la vidéo du bassiste Matt McJunkins, du guitariste Eden Galindo, du batteur Julian Dorio, et de l'ingénieur du son Shawn London. Tous ont réchappé à l'attaque terroriste du 13 novembre. Josh Homme, co-fondateur du groupe, participe également à l'entretien mais n'était pas présent lors du concert au Bataclan.
À tour de rôle, les membres de Eagles of Death Metal détaillent comment, une heure environ après le début du concert, ils ont compris que quelque chose n'allait pas. "Au début, j'ai cru que les haut-parleurs crépitaient, explique Eden Galindo. Puis je me suis très vite rendu compte que c'était pas ça. J'ai reconnu ce que c'était." Le guitariste raconte alors qu'il est parti se réfugier sur le côté de la scène avec Jesse Hughes. Profitant d'un moment où le chargeur de l'un des tireurs était vide, une partie des membres du groupe quitte la scène et court dans les coulisses pour chercher Tuesday, la compagne de Jesse Hughes. Ils finissent par sortir dans une petite ruelle derrière la salle de spectacle.
Le bassiste Matt Junkins, lui, n'a pas eu l'occasion de sortir et s'est retrouvé piégé sur scène alors que les terroristes tiraient sur les fans présents dans la fosse. Avec Steve, le tour manager, il raconte s'être précipité dans une petite salle sans issue attenante à la scène. Des fans, parmi lesquels certains sont blessés, les suivent pour échapper à la fusillade. Ensemble, ils parviennent à barricader la porte avec des chaises. "Il y avait un mini-frigo et une bouteille de champagne pour l'after. Et au cas où, c'était notre seule arme. On n'avait rien d'autre."
Julian Dorio, le batteur, a aussi su immédiatement qu'il se passait quelque chose d'anormal. "Ce qui m'a d'abord choqué, c'est qu'on est un groupe de rock. C'est difficile de couvrir le bruit des haut-parleurs. Mais les premiers coups étaient tellement puissants que j'ai tout de suite reconnu que quelque chose de grave se produisait. Je suis tombé de mon tabouret presque immédiatement. J'ai senti l'odeur de poudre à canon. Je me suis retourné et j'ai regardé à travers ma batterie. À ce moment-là la deuxième rafle a commencé. Et j'ai vu deux hommes devant la scène. C'était la plus horrible des choses. Ils tiraient sans relâche sur les spectateurs."
Le chanteur Jesse Hughes, qui est resté les yeux rivés au sol pendant une bonne partie de l'entretien, raconte ensuite s'être retrouvé nez à nez avec l'un des tireurs. "Il a brandi son fusils sur moi et le canon a frappé l'encadrement de la porte." Profitant de ce moment, Hughes fait aussitôt demi-tour, suivi par des fans qui cherchent eux aussi à s'enfuir. Il retrouve Tuesday en bas des escaliers et parvient à quitter le bâtiment par une porte latérale.
Visiblement très marqué par ce qu'il s'est passé, Jesse Hughes poursuit : "Plusieurs personnes se sont cachées dans ma loge mais les assaillants sont venus et ont tué tout le monde, sauf un gamin qui s'était caché sous ma veste en cuir [...] Une des raisons pour lesquelles tant de gens ont été tués, c'est parce qu'ils ne voulaient pas abandonner leurs amis. Il y a eu tellement de gens qui se sont mis devant d'autres."
En pleurs, le leader des EODM rend aussi hommage à Nick Alexander, le responsable du merchandising du groupe, qui a été tué lors de la fusillade. "Nick n'a jamais appelé à l'aide. Il a saigné à mort parce qu'il ne voulait pas que quelqu'un d'autre soit touché."
Mais Jesse Hughes le promet : malgré ce qui s'est passé, les Eagles of Death Metal continueront à jouer. "Je ne vais pas aller dire que tout ça est pourri. [...] Je ne veux pas passer ma vie à essayer d'apaiser ou ne pas apaiser des trous du cul, je veux passer ma vie à sourire avec mes amis et les divertir. J'ai hâte de retourner à Paris. J'ai hâte de jouer, je veux y retourner. Je veux être le premier groupe qui jouera au Bataclan à sa réouverture. Parce que j'étais là quand tout est devenu silencieux. Nos amis sont venus écouter du rock n'roll et ils sont morts. Je veux y retourner et vivre."