En prenant la question du tourisme à bras le corps, Emma Mbura ne s'attendait pas à se trouver sous le feu de telles critiques. Sénatrice de la région côtière du Kenya depuis mars 2013, l'élue affirmait en début d'année la nécessité pour la communauté Mijikenda (qui regroupe les neuf tribus établies le long des côtes du Kenya, de la Somalie et de la Tanzanie) de mettre en valeur toute la richesse de sa culture pour faire revenir les touristes dans la région.
Parmi les conseils de la sénatrice établie à Mombasa, le recours aux tenues traditionnelles, comme le mahando ou leso, jugées par Emma Mbura comme un atout majeur de la promotion du Kenya et l'un des leviers pour remettre à flot le secteur clé du tourisme. En berne depuis plus de deux, ce dernier pâtit en effet de l'insécurité et des menaces terroristes dans le pays, le Kenya ayant été le théâtre de plusieurs attentats, attribués aux sympathisants des shebab.
La proposition aurait pu passer inaperçue si elle n'impliquait pas, pour les femmes concernées sur la côte kenyanne, de laisser tomber le haut pour laisser apparaître leur poitrine, comme l'imposent certaines tenues auxquelles fait référence la sénatrice. "Elles n'habillent que le bas du corps avec le mahando, ce qui attire les touristes, a affirmé Emma Mbura au quotidien Nation. Comme vous le savez, les femmes Mijikenda sont naturellement belles". Et la sénatrice d'enfoncer le clou en interrogeant le lien de cause à effet qui pourrait exister selon elle entre les tenues des Kenyannes et l'activité touristique du pays : "Quand les Mijikenda ont commencé à s'habiller, le tourisme s'est effondré. Serait-ce à une des raisons pour lesquelles nous attirions les touristes ?".
Si des femmes n'ont vu aucun inconvénient à revêtir l'habit traditionnel, d'autres se sont montrées sceptiques, compte tenu du contexte actuel. Mais les plus violentes réactions sont venues des réseaux sociaux où de nombreux habitants se sont indignés du peu de considération de la parlementaire, prête à sacrifier la pudeur de ses compatriotes sur l'autel de la réussite économique du pays. Certains allant même jusqu'à demander à la sénatrice de montrer l'exemple, non sans ironie.
Sentant le vent tourner, Emma Mbura a tenté courant mars de se défendre, argumentant qu'elle n'avait jamais demandé aux habitantes de la région de se dévêtir. "Je n'ai jamais demandé à personne de se mettre nu. Mais nous devons savoir d'où nous venons", a-t-elle soutenu lors d'une interview à la chaîne de télévision kenyanne K24. "Ce sont mes opinions. Je demandais seulement si les Mijikenda renouaient avec leur culture, raviverait-on le secteur du tourisme ?" Joignant le geste à la parole, la sénatrice a même participé à une conférence quelques jours plus tard, en arborant une tenue traditionnelle.
D'autres pays d'Afrique ont appris à faire commerce de leur tradition s'est encore défendue Emma Mbura dans un post Facebook. "Vous êtes vous déjà demandé pourquoi les films du Nigeria, du Ghana ou de la Tanzanie se vendaient mieux que le reste des films africains ? La réponse est simple : la Culture. Ils ont incorporé leur culture dans le cinéma et la musique", a écrit la sénatrice dans un parallèle à peine voilé à la récente polémique.
Incorporer la culture nationale dans les arts et le tourisme n'est pourtant pas synonyme de nudité forcée. Face à ces déclarations, beaucoup accusent Mbura d'avoir voulu se mettre en scène. Les récents évènements internationaux, et notamment la menace terroriste, sont peu à peu en train de mettre à mal l'économie nationales. Plages désertées, hôtels laissés à l'abandon... Avec à peine plus d'un million de touristes en 2013, le Kenya a enregistré une baisse de fréquentation de 11 % par rapport à 2012. Les années 2014 et 2015 ne devraient pas apporter de signe d'amélioration notable pour les habitants des zones concernéees.