Nos rapports sexuels sont secrets, ils n’appartiennent qu’à nous.
Pourtant nous ne cessons de vouloir connaître les normes en la matière, et manifestons, à divers degrés, une curiosité insatiable sur la sexualité des autres. Ce besoin normatif nous permet de nous rattacher au groupe culturel ou religieux auquel nous appartenons, tout comme les rites sexuels, qui sont partout.
Certains sont de nature, car ils sont nécessaires à la reproduction, comme les parades de séduction, qui permettent aux couples de se former, au moins le temps nécessaire de la reproduction.
D’autres sont culturels. L’anthropologue Bronislaw Malinowski affirmait que la sexualité « domine dans les faits presque tous les aspects de la culture ».
On se contentera ici d’un rapide éventail de quelques rites, qu’ils aient nos faveurs en Occident, ou qu’ils aient d’autres saveurs lorsqu’ils nous sont étrangers : au Brésil le fazendo todo permet aux jeunes brésiliens –garçons et filles – de tout essayer ; dans les îles Carolines, les jeunes hommes soulèvent la nuit les jupes des filles endormies et les sélectionnent en fonction de la beauté de leurs grandes et petites lèvres, et une fois en couple, ils frappent leurs pénis contre le clitoris de leur partenaire et atteignent ensemble l’orgasme. Au Rwanda, on agrandissait les petites lèvres de la femme pour qu’elle ait plus de plaisir, comme on pratiquait le Kunyaza, qui consiste à ce que le partenaire rentre le bout de son pénis dans le vagin et fasse des mouvements verticaux et horizontaux, sans oublier le clitoris, pour permettre à la femme de lubrifier plus et plus vite et d’atteindre l’orgasme en moins de cinq minutes. La liste des rites et pratiques est longue et elles sont la base, le ciment des cultures et des civilisations.
Ce sont ces rites qui structurent et rattachent les individus aux groupes sociaux. Ils permettent également aux adolescents de quitter le monde « asexué » qui est le leur, et de pénétrer dans celui, sexué, des adultes. Certaines cérémonies de mariage autorisaient autrefois les compagnons du marié quelques libertés avec la jeune épousée, et les blagues grivoises, qu’on peut entendre racontées de nos jours par les témoins du marié, en sont des émanations directes.
Si les rites sexuels ont une fonction sociale, ils ont, au sein du couple, des fonctions tout aussi essentielles, qui permettent de transformer l’acte, et soit le magnifier, soit au contraire transformer le rite en monotonie : faire l’amour uniquement le matin ou le soir, pratiquer toujours la même position, se mettre toujours aux mêmes endroits, sont des rites qui peuvent, petit à petit, éteindre la flamme.
Lorsque, au contraire, la relation est magnifiée par les rites spécifiques au couple, elle peut transcender la relation et magnifier l’orgasme, voire dans certains cas y mettre un zeste de sacré. Les rites privés du couple créent un climat propice, le couple se met « en condition » : messages, massages, bougies, parfums, odeurs, musiques, rendez-vous dans des lieux tenus secrets, tenues vestimentaires spécifiques, etc. et le corps réagit. On dit souvent « adorer » son partenaire, ce qui signifie littéralement rendre un culte à une divinité. Adorer, c’est aussi avoir envie d’honorer l’autre, lui manifester des intentions particulières, le singulariser, le « narcisser », et dans cette empathie, créer un climat qui peut emmener vers d’autres types de jouissances, qui sont physiques, mais aussi émotionnelles et spirituelles.
On se retrouve ainsi dans une situation paradoxale, qui pourtant fonctionne : il faut d’un côté que les rites et pratiques sexuelles passent de la sphère privée à la sphère publique, pour assurer en partie la bonne diffusion des normes en vigueur ; et de l’autre, tenir secrètes les pratiques inventées au sein du couple, pour ne pas les affadir à la lumière du grand jour et souder ainsi les amants dans des extases qui en appellent d’autres, plus profondes encore que les précédentes.
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