Qu'est-ce que la directive sur les travailleurs détachés ?
Les travailleurs dits « détachés » sont envoyés provisoirement par leurs employeurs dans un Etat membre de l'Union européenne, pour poursuivre leurs fonctions dans cet Etat. Une entreprise peut, par exemple, remporter un contrat dans un autre pays et décider d'envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place. Cette prestation de services transnationale doit se faire aux conditions d'emploi du pays d'accueil. Les travailleurs détachés bénéficient du salaire minimum du pays concerné et de ses congés. En revanche, et c'est là où le bât blesse, les charges sociales appliquées au contrat sont celles du pays d'origine.
Le dispositif a été mis en place par la directive européenne 96/71/CE, en 1996. « A l'origine [la directive] était plutôt avantageuse pour la France, pays pourvoyeur de travailleurs à l'étranger, afin de faire en sorte que leurs droits sociaux soient protégés », rappelle Le Monde. La crise et les élargissements successifs de l'UE, vers des pays au coût du travail moindre, ont entraîné de nombreux contournements de la directive, notamment dans les secteurs des travaux publics et de l'agriculture où ces « détachés low cost », sont régulièrement employés.
Pourquoi cela pose problème ?
Résultat : le nombre de travailleurs détachés a considérablement augmenté en France au cours de ces dernières années. Depuis 2006 leur nombre a été multiplié par quatre, passant de 37 924 salaires à 144 000 actuellement déclarés, ils pourraient être le double, selon le ministère du Travail. Les professionnels des secteurs confrontés à la venue de ces travailleurs évoquent une distorsion de concurrence liée aux différences des niveaux de cotisations sociales à travers l'UE, puisque les charges qui pèsent sur le salaire du travailleurs sont celles appliquées dans le pays d'origine. La France est soumise à un taux de 51,7% (un record en Europe) contre 39,4% en Allemagne, 26% en Pologne et 17,9% en Croatie.
Le recours aux travailleurs détachés est également très répandu dans les abattoirs allemands. Craignant une suppression d'environ 20% des emplois dans ce secteur outre-Quiévrain du fait de cette concurrence, les ministres belges de l'Economie et de l'Emploi, Johan Vande Lanotte et Monica De Coninck ont décidé de porter plainte devant la Commission européenne contre Berlin pour dumping social, dans un pays où l'absence de salaire minimum favorise ces pratiques. En France, deux rapports des parlementaires Eric Bocquet, Chantal Guittet, Michel Piron et Gilles Savary ont pointé des « fraudes complexes » et une « systématisation alarmante de véritables stratégie de dumping et "d'optimisation" sociale ».
La France entend parvenir à un accord lors du sommet des ministres européens des Affaires sociales du 9 décembre, pour endiguer ce phénomène de trafic de main-d'oeuvre. « Notre objectif est d'avoir une majorité qualifiée pour obtenir une directive d'application renforcée », assure le ministre du Travail, Michel Sapin. « La directive a été massivement détournée, il y a aujourd'hui des situations scandaleuses », poursuit-il. Pour l'heure le ministre a évoqué un renforcement des contrôles. Nul doute que ces dérives devront se régler à l'échelle européenne par l'adoption de règles visant à harmoniser les conditions de détachement. Un engagement qu'avait pourtant pris le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors des négociations qui avaient précédé sa désignation.
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