Averti par son employeur, Michel Catalano, de l'arrivée imminente de Saïd et Chérif Kouachi armés de kalachnikovs et d'un lance-roquettes dans l'imprimerie de Dammartin-en-Goële le vendredi 9 janvier dernier, Lilian Lepère a eu le temps de se glisser dans un meuble de « 70 centimètres sur 90, avec 50 centimètres de profondeur » sous un évier du réfectoire de l'entreprise. Au début, il a cru à « une blague ». La voix tremblante, il explique que c'est parce que son patron a proposé un café aux terroristes, qui avaient attaqué le siège de Charlie Hebdo deux jours auparavant, qu'il a eu le temps de se cacher. « Je ne le remercierai jamais assez. »
A un moment, le jeune graphiste a failli se faire repérer. Il raconte à David Pujadas : « L'un des deux a ouvert le placard juste à côté du mien, dans lequel il n'y avait rien qui l'intéressait, qui se trouvait à 50 centimètres. Je me suis dit : “Il va faire tous les meubles.” »
« Je suppose qu'il a dû boire directement au robinet. Il boit juste au-dessus de moi. J'entends l'eau qui coule au-dessus de ma tête, parce que j'ai ma tête collée contre l'évier. Je vois son ombre à travers le petit interstice de lumière de la porte. J'ai le siphon qui fuit dans mon dos, et je sens l'eau qui coule. Un moment surréaliste. Je me suis dit : “C'est comme dans les films.” »
Au bout de quatre heures, Lilian Lepère a cherché son téléphone portable dans sa poche. « Mon premier réflexe, ça été de le mettre en silencieux, sachant que toute la journée, des gens essaieraient de me contacter (...), mon portable vibre et fait résonance dans ce meuble, à chaque fois, il faut décaler la cuisse pour que ça fasse le moins de bruit possible. »
C'est alors qu'il envoie des SMS à plusieurs de ses proches. Lorsque son beau-frère l'informe qu'il est en contact avec le GIGN, « là, c'est les premières larmes. Le moral remonte un peu. » Lilian a fourni de précieuses informations aux forces de l'ordre avant de se faire libérer sans heurts quatre heures plus tard.
Aujourd'hui, Lilian Lepère assure qu'il va bien. « On fait des nuits calmes, on a repris le train-train quotidien », expliquant qu'il avait pris le temps de se ressourcer auprès de ses proches avant de s'exprimer.
La vidéo du témoignage de Lilian Lepère, caché dans l'imprimerie où étaient retranchés les frères Kouachi :
Lilian Lepère, rescapé des frères Kouachi... par francetvinfo