On la pensait madrilène, mère quadragénaire de trois enfants et enseignante. Mais le 15 octobre dernier, le monde a découvert que la romancière espagnole Carmen Mola, célébrée pour ses romans policiers (La fiancée gitane, Le réseau pourpre), n'était rien de tout cela. C'est lors de la remise du prestigieux prix Planeta que fut dévoilé l'identité véritable de l'écrivaine : derrière Carmen Mola se cachaient depuis toujours... Trois hommes.
Jorge Díaz, Agustín Martínez et Antonio Mercero sont trois amis scénaristes. Ils ont écrit à six mains les romans à succès de Carmen Mola, vendus à des centaines de milliers d'exemplaires. La remise en public du prix Planeta, correspondant à une somme d'un million d'euros, a obligé le trio à révéler - tout sourire - cette très surprenante vérité. Une fois passée la stupéfaction, se pose la question : pourquoi avoir opté pour un nom d'autrice ?
Une interrogation plus ou moins éclaircie par Jorge Díaz, qui dans la presse espagnole a finement déclaré : "Ce n'était pas intentionnel mais arbitraire, nous aurions pu l'appeler R2D2". Habile.
Sacrée à Barcelone pour son roman La Bestia, Carmen Mola était jusque-là considérée comme l'un des secrets "les mieux gardés de la littérature espagnole", fascinant le milieu littéraire par sa personnalité singulière de "mère de trois enfants qui enseignait l'algèbre le matin et écrivait des livres ultra-violents l'après-midi", comme le définit le journal Courrier International.
"C'est l'histoire de trois écrivains scénaristes et amis qui il y a quatre ans ont eu l'idée folle de combiner leurs talents pour écrire une histoire ensemble. Cette histoire a eu du succès et en a donné une autre, une autre, une autre... et à la fin, elle nous a amenés ici ce soir", a détaillé avec enthousiasme Jorge Díaz sur scène. De son côté, Antonio Mercero nie tout calcul dans le choix du pseudonyme : "On ne s'est pas caché derrière une femme mais derrière un nom. Je ne sais pas si le pseudonyme féminin est plus vendeur que le pseudonyme masculin, je n'en ai pas la moindre idée, mais cela ne me semble pas être le cas", a affirmé le scénariste espagnol.
Mais ces arguments n'ont pas convaincu tout le monde. Pour l'autrice féministe Beatriz Gimeno, Carmen Mola est avant tout "un faux profil qui a dupé lecteurs et journalistes". "Ces gars-là donnent des interviews depuis des années", a encore fustigé la romancière. Une révélation qui laisse bien des voix perplexes.