Son nom de baptême est Maminydjama Maymuru, mais depuis quelques temps, elle se fait appeler Magnolia. Un pseudonyme exotique et original pour une jeune femme qui espère bien qu'on la remarque. Car à 19 ans seulement, Magnolia Maymuru est officiellement le premier mannequin aborigène à avoir été sélectionné pour représenter le Territoire du Nord lors du prochain concours de beauté Miss World Australia – compétition qui pourrait ensuite l'emmener sur la scène de Miss Monde. L'histoire de Maminydjama ressemble à celles de bien d'autres jeunes filles. Repérée devant un distributeur de billets en 2014 par un talent scout, elle refuse d'abord son offre, lui expliquant qu'elle préfère terminer ses études. "Chez moi, l'éducation est quelque chose de très important. Les anciens et les femmes se sont beaucoup battus pour que l'on obtienne une éducation bilingue", explique-t-elle à ABC Australia. Mais l'année d'après, le destin frappe à nouveau à sa porte. Alors qu'elle est en train de faire ses courses dans un supermarché de Darwin, le même talent scout la repère à nouveau.
Mehali Tsangaris, l'homme derrière la découverte de Magnolia, raconte : "Avant tout, il y avait sa taille. Elle a la taille d'un mannequin. Mais elle a aussi une vraie élégance. Le fait qu'elle soit une véritable Aborigène est un bonus, parce que je sais que c'est quelque chose que l'on n'a encore jamais vu sur les podiums. Je suis assez surpris que personne n'ait jamais pensé à travailler avec des filles de cette communauté. Je pense que l'Australie a besoin de voir des filles comme Magnolia".
Des filles comme Magnolia, il est vrai, ne sont pas forcément mises en avant en Australie. Ce manque de représentation prend ses racines dans quelque chose d'extrêmement profond. Colonisés en 1788 par les Britanniques, les Aborigènes ont été tour à tour massacrés et exclus. Le scandale des générations volées (tentative de génocide par enlèvement des enfants aborigènes et métis à leurs parents) a également creusé un énorme fossé entre les deux peuples. Mais si les récents gouvernements ont exprimés leurs regrets, si le Close the Gap day a été créé pour renforcer les liens entre les deux cultures, les inégalités entre les Aborigènes et le reste de la population persistent. En 2015 encore, le premier ministre de l'époque, Tony Abbott, se disait ainsi favorable à la fermeture de villages aborigènes dans l'ouest du pays, provoquant ainsi de vives manifestations.
L'arrivée d'une personnalité comme Maminydjama Maymuru sur la scène médiatique nationale pourrait donc permettre de faire évoluer les mentalités. C'est en tout cas ce que souhaite la principale intéressée : "Il y a tellement de personnes issues de ma communauté qui ont accompli de grandes choses. Mais cela ne passe jamais aux infos. Alors je veux que les gens sachent que ça m'a demandé beaucoup d'efforts de sortir de ma coquille pour faire ça. Mais je voulais changer la vision des gens sur ma communauté". Son scout talent, devenu son agent, ajoute : "Le concours Miss Monde recevrait une grande attention médiatique en sélectionnant Magnolia, mais ce serait mérité parce qu'elle est beaucoup plus qu'un joli visage. Cela permettrait d'éduquer les Australiens, de leur montrer que les Aborigènes peuvent être perçus comme beaux en-dehors de leur communauté et qu'ils peuvent faire bouger les choses".
Magnolia n'est pas définie par son visage mais c'est bien lui qui a le pouvoir de changer notre vision très normée du physique féminin. Dans un article publié sur le site The Conversation, Liz Connor, une universitaire ayant mené de nombreuses recherches sur la culture aborigène, explique ainsi que le mannequin "bouscule les stéréotypes de la beauté blonde aux yeux bleus". Malgré cela, elle se demande si la popularité de Maminydjama Maymuru ne va pas faire ressortir de vieux relents racistes.
Car pendant longtemps, la femme aborigène a été considérée – à tort - comme une beauté sauvage, exotique et sexuellement libérée. Pour Liz Connor, les médias doivent donc être prudents et ne pas hypersexualiser la jeune femme ou vanter avec romantisme son côté exotique. "Nous devons être capable de donner de la visibilité aux Aborigènes. Nous devons célébrer leur culture, la diversité de leurs réalisations et pas seulement la beauté de leurs femmes", conclut-elle. Amen.