Elle est devenue instantanément une icône de la résistance. Après son intervention héroïque lors du journal télévisé de Percy Kanal, le plus regardé du pays ce 14 mars, la productrice et journaliste russe Marina Ovsiannikova avait été immédiatement arrêtée. Son crime ? Avoir protesté contre l'invasion de l'Ukraine en brandissant une pancarte "Non à la guerre". Elle avait également justifié sa position dans une vidéo préalablement enregistrée en diffusée par l'ONG de défense des droits humains OVD-Info. Un geste de bavoure salué par le président ukrainien Zelensky.
Après avoir été présentée ce mardi 15 mars devant un tribunal moscovite, Marina Ovsiannikova a, contre toute attente, été libérée après avoir été condamnée à payer une amende de 30 000 roubles (environ 250 euros) pour "infraction administrative", selon une journaliste de l'AFP présente à l'audience. Mais si la journaliste protestataire est aujourd'hui libre, d'autres charges pourraient peser contre elle. En effet, elle pourrait être poursuivie et condamnée pour publication d'"informations mensongères" sur l'armée russe et encourir jusqu'à 15 ans de prison. Une façon pour le pouvoir russe d'en faire un exemple afin d'étouffer une fois de plus toute contestation.
"Je présume que ma cliente encourt une procédure pénale et non pas administrative en vertu d'une nouvelle loi qui prévoit jusqu'à 15 ans de prison", a ainsi indiqué son avocat Daniil Berman à l'AFP. "Il y a une forte probabilité que les autorités en fassent un exemple pour faire taire d'autres protestataires."
Pourtant, ces menaces ne semblent pas effrayer la courageuse journaliste. A la sortie de l'audience, Marina Ovsiannikova, épuisée, s'est confiée face aux journalistes. "J'ai passé près de deux jours sans sommeil, l'interrogatoire a duré quatorze heures", a-t-elle expliqué. "Je n'ai pas eu le droit de parler avec mes proches, ni eu accès à une assistance juridique et c'est pourquoi j'étais dans une position très difficile."
Et loin de se laisser intimider, elle reste fermement campée sur ses positions, sans l'once d'un regret. "Je reste convaincue que la Russie commet un crime (...) et qu'elle est l'agresseur de l'Ukraine", a-t-elle affirmé. "Ma vie a beaucoup changé, c'est sûr. Je suis contente d'avoir exprimé ce que je pensais. Plus important, il y a maintenant une nouvelle tendance : d'autres journalistes suivent mon exemple."
Son appel à la protestation sera-t-il entendu auprès de la population russe, alors que toute manifestation contre le pouvoir se trouve immédiatement et brutalement sanctionnée par les autorités ? Depuis le 24 février, au moins 14 700 personnes auraient déjà été interpellées en Russie lors de manifestations contre l'invasion de l'Ukraine, selon l'ONG OVD-Info.