Ils sont nombreux, ces parents à avoir eu le coeur serré en voyant leur enfant repartir sur le chemin de l'école avec leur petit masque sur le nez. Cette mesure gouvernementale (et réclamée par de nombreux médecins) a pris effet dès le jour de la rentrée, ce 2 novembre. Et si cette nouvelle contrainte est jugée nécessaire dans la lutte contre l'épidémie de coronavirus, elle interroge sur les conséquences psychologiques éventuelles qu'elle pourrait engendrer.
Comment expliquer à sa progéniture l'importance de porter ce masque sans l'angoisser ? Cette contrainte peut-elle engendrer des phobies ? Réponses de la psychiatre, épidémiologiste et autrice du livre N'importe qui peut-il péter un câble ? Viviane Kovess.
Viviane Kovess : Tant qu'on n'a pas essayé, bien malin qui peut dire que ça ne marche pas ! Il y a plein d'enfants de moins de 12 ans qui portent déjà des masques, on le voit dans les magasins, dans la rue... On fait comme maman ou comme papa et il n'y a rien de dramatique là-dedans.
V.K. : Cela dépend de la façon dont l'appréhendent les parents. J'exerce dans l'épidémiologie pédopsychiatrique, et l'un des éléments les plus déterminants de la santé mentale des enfants, c'est la santé mentale des parents. Si les parents sont pétris d'angoisse, c'est sûr que ça va être difficile pour les enfants. Si les parents arrivent à prendre tout cela avec philosophie et distance, il n'y aura pas de problème. La balle est donc dans le camp des parents.
Ce sont les parents qui communiquent leur anxiété. Il faut être adulte et être capable de maîtriser ses émotions, être quelqu'un de rassurant et de serein pour l'enfant.
V.K. : Il faut leur expliquer avec des mots qu'ils comprennent. Déjà, les parents portent eux aussi des masques, ça aide. J'ai du mal à penser que ce soit une intrusion dans leur univers vu qu'ils voient tout le monde en porter dans la rue et dans leur famille. A la limite, ils trouvaient bizarre de ne pas en avoir... Et en plus, les masques peuvent être jolis, amusants.
Depuis le début de l'épidémie, j'imagine qu'on a expliqué ce qu'était cette maladie contagieuse. Ils connaissent probablement déjà la varicelle, la rougeole, les vaccins... On peut leur dire que si on postillonne sur quelqu'un, on peut se passer la "maladie" et que c'est pour ça qu'il faut porter un masque et se laver les mains par exemple. Pas besoin d'expliquer le concept de "virus". On peut aussi lui dire que c'est pour protéger sa maîtresse ou son maître et ses copains.
L'idée n'est pas non plus de les enfermer dans un monde hyper angoissant dans lequel s'ils attrapaient quelque chose, ce serait dangereux. L'important, c'est de leur expliquer sans les angoisser.
V.K. : Ca serait bien que les adultes donnent l'exemple, déjà ! Parce que je vois un adulte sur dix qui le porte sous le nez... Je me demande si les enfants ne feront pas mieux ! (rires). Bien sûr, certains mettront les mains dessus. Mais si la plupart des enfants le portent "à peu près" convenablement, les risques pour les enseignants seront moins grands.
V.K. : Je ne crois pas au modèle de quelqu'un qui va parfaitement bien et qui développerait soudainement un trouble mental à cause du coronavirus. Si c'est quelqu'un qui est déjà fragile, anxieux ou phobique au départ, ça peut justifier ou aggraver la phobie. Mais qu'un enfant qui allait bien, qui était ravi d'aller à l'école se mette à avoir peur du jour au lendemain parce qu'on lui dit de porter un masque, ça n'a pas de sens.
V.K. : C'est sûr que l'on voit moins le visage. Les expressions sont certes importantes, mais il reste les yeux, le corps et on peut quand même se parler aussi. Toutes les communications ne se font pas uniquement avec l'usage du visage.
V.K. : Ce n'est pas délirant et c'est même plutôt la réalité... Car beaucoup de contaminations sont intra-familiales. Mais on peut leur expliquer que le "maladie" n'est pas du tout grave pour eux.
Ce qui est plus compliqué, c'est la question des grands-parents. Il faut leur expliquer qu'il faut faire attention, qu'il ne faut pas trop s'approcher de Papy et Mamy parce qu'ils peuvent être "plus malades" qu'eux.
V.K. : Mettre un masque n'a rien de dramatique. Il y a des enfants que cela peut même amuser, on peut rendre ça ludique. Ce n'est pas de la maltraitance !
Si le parent considère le port du masque à l'école comme une "attaque", ça met l'enfant dans une espèce de double injonction et le place en porte-à-faux. Et c'est contre-productif pour les parents car dieu sait si pendant le premier confinement, cela a été compliqué pour les parents que les enfants n'aillent pas à l'école... On leur demandait de travailler à distance, ils avaient les enfants dans les pattes. Bref, ça a été très difficile.
Si on veut que les enfants continuent à aller à l'école- et je pense que c'est une très bonne chose à la fois pour les parents et les enfants- il faut arrêter de dramatiser cette histoire de masque. C'est important de protéger et soutenir les enseignants.