Les regards de l'actrice Megan Fox et du rappeur Machine Gun Kelly se sont croisés pour la première fois en mars 2020, sur le tournage de Midnight in the Switchgrass, un navet signé Bruce Willis noté 8 % sur Rotten Tomatoes. Trois mois et un tournage arrêté pour cause de Covid plus tard, leur relation devenait officielle à coup de tweet plus malaisant que mignon.
Un "I'm calling you girlfriend, what the fuck", posté le 16 juin par le musicien et deux emojis coeur et dague en guise de ponctuation : voilà ce qui annonçait un flot d'étalages d'affection en public creepy, et autres déclarations virales qu'on aurait préféré pouvoir ignorer.
Depuis, soit un peu plus d'un an et demi, on subit. On ne compte plus les légendes obscures façon emo en mal de likes glissées sous leurs publications Instagram. Le thème récurrent : le sang. Et les smoothies bio. Du pain béni pour celles et ceux qui savent pratiquer la raillerie de célébrités comme personne.
Sur TikTok, une internaute a justement fait de la lecture de ces textes insupportables sa marque de fabrique. Elle les prononce sur une musique douce - dernièrement la BO de Twilight car l'ambiance fantasme vampirique vs oie blanche est à son comble - et le résultat est savoureux. Ou en tout cas, réussit à nous faire (un peu) oublier l'aspect particulièrement gênant du couple face à la caméra.
Nous qui sommes si fans de Megan Fox, on n'en demandait pas tant. Et on ne demandait surtout pas à ce que l'actrice participe à faire d'une relation ultra-toxique un symbole de romantisme.
"Ce truc bizarre est arrivé", décrivait-elle dans la version britannique de GQ en octobre 2021. "Nous ne nous sommes pas vus. Je ne me souviens pas de son visage. Je me souviens juste de cette grande créature blonde et fantomatique. J'ai levé les yeux et j'ai dit : 'Tu sens l'herbe.' Il m'a regardé de haut en bas et il était genre, 'Je suis l'herbe.' Puis, je le jure devant Dieu, il a disparu comme un ninja dans une bombe de fumée." Ajouter à cela une tonne de références mystiques, astrales et démoniaques, et on frise l'overdose.
Blague à part, on bloque sur quelques phrases qui témoignent de rapports par de nombreux aspects inquiétants. La façon dont Megan et son nouveau mec insistent sur le caractère "intense" de leur relation par exemple, la qualifient de mélange entre "extasie et agonie", ou encore, lui associent le terme "enfer" qui, aussi compliqué puisse être l'amour au quotidien, n'annonce rien de très sain.
Le 11 janvier dernier, Machine Gun Kelly a demandé Megan Fox en mariage. Le 13, une vidéo tournée sous trois angles différents était publiée sur les réseaux sociaux.
"En juillet 2020, nous nous sommes assis sous ce banian", se souvient-elle sous les images. "Nous avons demandé de la magie. Nous étions inconscients de la douleur que nous allions affronter ensemble dans une période de temps si courte et frénétique. Nous n'étions pas conscients du travail et des sacrifices que cette relation exigerait de nous, mais nous étions intoxiqués par l'amour. Et le karma." Déjà, on tremble. Mais ça se corse.
"Un an et demi plus tard, après avoir traversé l'enfer ensemble et avoir ri plus que je ne l'aurais jamais imaginé, il m'a demandé de l'épouser. Et comme dans toutes les vies avant celle-ci, et comme dans toutes les vies qui la suivront, j'ai dit oui." Bon. "...et puis nous avons bu le sang de l'autre". Beurk.
D'accord, la scénarisation de l'ensemble laisse à penser que ces quelques éléments lugubres sont plus là pour le style qu'autre chose (comme chez leurs copains Kourtney Kardashian et Travis Baker, d'ailleurs). On pourrait même imaginer que derrière ce phénomène médiatique se cache en réalité un couple qui, contrairement aux apparences, ne vit pas dans les catacombes, mais mate Top Chef le mercredi soir comme tout le monde. Et s'engueule à propos d'un différend ô combien légitime sur la sauce soja sucrée ou salée dans les sushis.
Seulement, on ne trouverait pas grand-chose à redire au résultat si, de ce "show", n'émanait pas une morale nauséabonde diffusée à des millions de fans (28 cumulés sur Instagram) : celle que l'amour doit faire mal pour être véritable.
Deux anneaux, une émeraude et un diamant. Voilà, en gros, de quoi est composée la bague qui a scellé la demande de Machine Gun Kelly. Interrogé par Vogue, le rappeur détaille : "Le concept est qu'[elle] peut se séparer pour former deux anneaux. Quand elle est assemblée, elle est maintenu en place par un aimant. Vous voyez donc comment elle s'emboîte ? Et puis elle forme un coeur obscur".
Jusque-là tout va bien. Sauf que non. "Et vous voyez ça juste ici ? Les bandes sont en fait des épines. Donc si elle essaie de l'enlever, ça fait mal...", lâche-t-il. "L'amour est douleur."
Une conclusion qui crispe, au bas mot. Car non content d'être sous le feu des projecteurs et adulé par un tas de personnes - dont beaucoup très jeunes - le duo véhicule aussi un modèle dangereux. Certainement sans le vouloir, certainement en souhaitant démontrer que tout n'est pas rose quand on est amoureux·se et célébrer leurs sentiments, certainement sans que personne n'y perde ses plumes à l'arrivée. Enfin, on l'espère.
Parce que de loin, c'est uniquement la glamourisation d'un chaos forcément nocif et l'objectification de la femme qui sautent aux yeux. De quoi rendre les comparaisons avec Pamela Anderson et Tommy Lee qu'on peut lire dans le Guardian (avec une certaine admiration discutable de ces "icônes rock star" de la part de la chroniqueuse) que plus évocatrices.
Pour rappel, Tommy Lee avait fait 6 mois de prison pour violences conjugales envers Pamela Anderson. Pour deuxième rappel, "MGK" a de son côté un historique plutôt conséquent de fétichisation des femmes, particulièrement des jeunes femmes noires. A 19 ans, il tweetait également : "J'aimerais que les filles de 13/14/15 ans n'aient pas le droit d'être sexy, comme ça je n'aurais pas l'impression d'être un pervers quand je les regarde." Difficile de ne pas douter de ses intentions, d'autant plus quand il se réjouit de vivre "le plus sombre des contes de fées" aux côtés de sa future épouse. Ou d'avoir une goutte de son sang à son cou.
(Et de penser très fort "Cours Megan, cours !")
Selon la journaliste Brittney McNamara, cette adulation du dark est propre à la culture emo des années 2000 - on la mentionnait - dont on constate le retour sur le devant de la scène. Culture qu'elle chérissait elle-même, bien qu'elle la considère aujourd'hui particulièrement sexiste et en mal de déconstruction.
"Je suis ravie que le pop punk et l'emo fassent un retour en force et que les nouvelles générations puissent profiter du même exutoire émotionnel que j'avais lorsque j'étais adolescente", affirme-t-elle dans Teen Vogue. "Mais au lieu de perpétuer ces idées toxiques selon lesquelles l'amour est intrinsèquement lié à la douleur, peut-être que la nouvelle itération du genre pourrait chercher des moyens plus matures sur le plan émotionnel de traiter la déception romantique."
Et de conclure avec justesse : "En 2022, c'est une dynamique dont nous pouvons et devons nous passer." Alors, à Megan Fox et à tou·tes celles et ceux qui boivent leurs paroles comme les deux boivent leur sang : vous méritez mieux qu'une personne qui met au point un stratagème pour vous blesser au cas où vous décideriez de la quitter. Parce que faites-nous confiance, c'est bien la preuve qu'elle ne vous aime pas assez.