Essais stimulants à souhait à dévorer et films en libre accès, podcasts ludiques pour petits et grands et remèdes divers à l'anxiété... Il y a tant à faire en plein confinement. Mais l'un des passe-temps les plus populaires est encore et toujours le visionnage de séries, direction Netflix - ou ailleurs. Et par-delà le rayon des nouveautés, il semblerait que cette période soit idéale pour rattraper les classiques du genre. Comme The Wire par exemple. Bien qu'achevée en 2008, la création de David Simon est désormais au top niveau streaming.
C'est Variety qui nous l'apprend : WarnerMedia, société-mère de HBO - qui a produit The Wire - affirme que le nombre de téléspectateurs de ce show légendaire a "presque triplé" la semaine du 23 mars sur le service de streaming HBO Now. Des spectateurs la découvrent et d'autres s'y replongent avec délice. Contre toute attente, ce véritable "roman-fleuve" cathodique est devenu la "série de quarantaine" idéale.
Et en vérité, c'est bien normal.
The Wire (ou Sur écoute en français) nous fait suivre sur cinq saisons - et soixante épisodes - le destin bien souvent dramatique de plusieurs personnages que tout semble opposer : des flics, des gangsters, des politiciens, des dealers. En plein coeur de la ville de Baltimore s'enchevêtrent enquêtes policières et discussions entre paumés, rixes de criminels charismatiques, magouilles diverses et déroute de gosses miséreux livrés à eux-mêmes. Egalement romancier, David Simon délivre une vision à la fois feuilletonesque et quasiment documentaire d'une société "sur le fil", dont il éclaire les dysfonctionnements, la hiérarchisation brutale, les rapports de pouvoir.
Ce n'est pas une série cordiale, consensuelle, immédiatement accessible : déployant autant de classes sociales et d'enjeux que de territoires, elle exige (beaucoup) de temps, de patience et d'attention. Et c'est en partie pour cela que ce show - lancé il y a déjà dix-huit ans - semble fait pour le confinement généralisé.
Face à ce regain populaire inattendu, et ce en plein contexte de pandémie, son créateur David Simon ne s'est pas privé d'ironiser (doux euphémisme) sur Twitter : "Enfoirés contradictoires ! Maintenant, vous voulez regarder un show sur les dérives institutionnelles et notre incapacité à résoudre les problèmes réels ?". Qui aime bien châtie bien...
Il faut dire qu'entre sa violence impitoyable (de rue, mais aussi institutionnelle), son réalisme limite dépressif (ici, les enquêteurs ne décrochent pas des mandats en dix secondes, et aucun personnage n'est immortel) et son écriture sociale cinglante, The Wire n'est peut-être pas la série la plus feelgood du moment.
Qu'à cela ne tienne, les internautes adorent et en redemandent. "Imagine : t'es confiné, t'as pas vu The Wire et tu regardes pas The Wire !", s'amuse en ce sens un cinéphile anonyme sur les réseaux sociaux. Une lacune à combler de toute urgence, donc. Ne serait-ce que pour ce casting impérial (Idris Elba et Michael K. Williams, alias Omar Little, en tête) et ses personnages audacieux, comme la policière lesbienne Kima Greggs.
Et ce n'est pas le seul classique télévisuel à se refaire une petite beauté. Comme l'indique encore WarnerMedia, l'audience en streaming du show Les Sopranos (un autre "must-see") a également doublé ces derniers jours. Cela étant, précise Variety, c'est une série actuelle qui reste "number one" dans la catégorie des productions HBO les plus visionnées : Westworld. Il n'empêche, The Wire a, contrairement à ses pairs, une réputation déjà faite. Celle d'un projet télévisuel que certains fans comparent aux romans de Charles Dickens et Honoré de Balzac. "Mon fils à Barcelone le regarde pour la 5e fois. Nous nous sommes mis d'accord hier par téléphone : c'est la meilleure série de tous les temps !", se réjouit le journaliste et romancier américain Thomas E. Ricks.
Mais alors que bien des concurrents au trône marchent sur ses pas depuis (Breaking Bad par exemple), The Wire est-elle encore et toujours "la meilleure série de tous les temps" ? A vous de vous faire votre petite idée...