On se souviendra d'elle comme d'une figure simplement historique : la première femme à avoir présidé l'Académie française. Hélène Carrère d'Encausse, c'était cela, et bien plus. Disparue à l'âge de 94 ans le 5 août dernier, cette historienne spécialiste du monde soviétique laisse derrière elle de nombreux faits d'armes. Alors qu'un hommage national devrait lui être rendu aux Invalides avant la fin de l'été, focus sur trois faits fondamentaux de sa carrière et de sa personnalité.
Première femme à avoir présidé l'Académie française, Carrière d'Encausse bénéficiait d'un titre de prestige : celui de secrétaire perpétuel de l'institution. Comme le nom le suggère, il s'agit, ni plus ni moins, de la plus haute fonction possible pour les Académiciens. Beau sacre pour celle qui, sortie diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris, fut professeure d'histoire à Sciences Po.
Ce poste remontant au 17ème siècle, et que la principale concernée a su occuper 24 ans durant, dès 1999, a fait également d'elle une membre de droit du bureau annuel de l'Institut de France. Incontestablement, Carrère d'Encausse restera l'un des plus fameux noms féminins accolés à l'Académie, aux côtés de membres comme Marguerite Yourcenar et Simone Veil.
Femme de lettres entrée dans la légende, la nonagénaire était également une femme politique, à sa manière. Elle n'a en tout cas jamais caché ses soutiens. Auprès de l'ancien Premier ministre Raymond Barre à la fin des années 80, en faveur du traité de Maastricht en 1992... Marquée à droite, elle devint députée européenne de 1994 à 1999, sur la liste d'union RPR-UDF.
La politique d'Hélène Carrère d'Encausse se distinguait par-delà les partis. Si on lui reconnaît un rôle influent parmi les femmes venues bousculer une assemblée à dominance masculine, certains sujets progressistes ne suscitaient pas son approbation. Parmi ceux-ci, le plus polémique : l'écriture inclusive.
Et à travers elle, la féminisation de la langue française de manière générale. Hélène Carrère d'Encausse désirait être nommée "Madame le secrétaire perpétuel" et pas "la Secrétaire", argumentant : "il n'y a qu'un seul Secrétaire perpétuel depuis trois siècles et demi, c'est une lignée qui se poursuit". Assumant une position conservatrice, elle affirmait : "Il faut faire de la préservation du français le devoir de toutes nos vies".
Cette prise de position "puriste" et pour certains contreproductive n'empêchera pas la présidente d'attiser les passions en défendant l'emploi de la dénomination "LA Covid" afin de désigner le coronavirus. "Elle n'a jamais voulu féminiser les mots et voilà qu'elle nous sort "la" Covid", déplorait à ce sujet un académicien en 2020 sur les ondes de France Culture.
Les politiques ont en tout cas volontiers rendu hommage à l'académicienne. Comme Anne Hidalgo, qui a déclaré :"Je salue la mémoire de la grande historienne Hélène Carrère d'Encausse. J'en conserverai le souvenir d'une femme de conviction, curieuse de tout, une Européenne convaincue à l'intelligence si vive".
De ses admirateurs à ses enfants, l'intellectuelle a su transmettre son amour des Lettres. On doit notamment à l'autrice des biographies sur Staline, Lénine et Nicolas II. A ce sujet vous connaissez certainement le fils de l'académicienne : il s'agit du romancier Emmanuel Carrère, reconnu pour ses opus à mi chemin entre le romanesque et le journalisme, comme L'adversaire (inspiré de la vie de Jean-Claude Romand) et Yoga.
Carrère est également réalisateur, notamment de Ouistreham, adaptation de l'enquête de la journaliste Florence Aubenas, avec Juliette Binoche. Ses deux autres enfants ne vous sont certainement pas inconnus non plus : l'avocate Nathalie Carrière et la médecin Marina Carrière d'Encausse, bien connue des téléspectateurs de France 5.