À l'origine, Rick Guidotti était photographe de mode. Mais à force de voir des femmes toutes plus parfaites les unes que les autres défiler devant son objectif, il a fini par se lasser de cette vision étroite et uniforme de la beauté. Après une rencontre fortuite avec une femme atteinte d'albinisme, il a décidé de changer de voie et de consacrer son art aux femmes et aux hommes qui n'entrent pas dans le moule imposé par la société et qui n'ont pas une beauté dite "conventionnelle".
En tombant sur le travail de Rick Guidotti, la réalisatrice Joanna Rudnick a décidé d'en faire le sujet de son prochain documentaire. Elle l'a donc suivi pendant cinq ans pour rendre compte de sa démarche originale, s'intéressant en particulier à ses séances avec Sarah Kanney, atteinte du syndrome de Sturge-Weber qui lui a laissé une énorme tâche de vin sur le visage, et avec Jayne Waithera, atteinte d'albinisme.
Loin du voyeurisme ou du sensationnalisme, la démarche de Rick Guidotti est honnête et bien intentionnée. Il n'est pas question pour lui de faire de ses sujets des bêtes de foire ou pire, de tomber dans l'hypocrisie, comme il l'affirme lui-même :
"Quand je photographie quelqu'un avec une différence, il y a souvent quelqu'un qui débarque, regarde les photos, et me dit "Tu captures vraiment leur beauté intérieure !". Mais j'emm*rde la beauté intérieure, ces gosses sont magnifiques !"
Pour Rick Guidotti, la représentation des personnes atteintes de maladies génétiques est extrêmement importante - et notamment dans le milieu médical. Il ne supporte plus de voir des photos témoins de personnes rigides avec une énorme barre noire sur les yeux pour cacher leur identité, des clichés tristes et pas naturels qui ne font qu'accentuer l'idée qu'ils sont malades, anormaux et donc, par définition, malheureux.
Pour le photographe, on doit apprendre aux praticiens à voir au-delà de la maladie, à voir les êtres humains qui se cachent derrière toutes ces maladies aux noms compliqués et qui font peur.
La mère d'un des enfants photographiés par Rick raconte, émue, que c'était la première fois qu'elle entendait quelqu'un lui dire à quel point son enfant était beau : "Il a pris des photos de lui qui montrent comment je le vois moi, pas comment les autres gens le perçoivent."
La démarche n'est pas celle d'une exposition des gens différents pour les mettre à nouveau de côté sous le prétexte de les mettre en valeur. Il s'agit de vraiment les intégrer au sein de notre société, dans notre vision globale du monde, en tant qu'êtres humains avec des vies, des sentiments, des tracas et des joies qui ne diffèrent pas des autres. Il s'agit de cesser de dramatiser les maladies génétiques et de n'observer les individus qui en sont atteints et leurs proches qu'avec un regard plein de pitié ou de curiosité malsaine.
Le documentaire de trente minutes est sorti aux États-Unis fin juillet et n'a pas encore été annoncé en France - mais on espère qu'il sera au moins disponible sur un service de vidéo à la demande, à défaut de passer en salles.