"Non, il ne s'agit pas d'un petit souci, j'ai été agressée sexuellement". C'est dans la revue La Lettre du musicien que la soprano française Chloé Briot a décidé de libérer la parole. En détails, elle raconte l'agression sexuelle dont elle a été victime durant la production d'un opéra. Le responsable présumé des faits ? L'un de ses collègues. L'opéra en question s'intitule "L'Inondation" et on y trouve deux scènes de sexe, réunissant les protagonistes.
Des scènes écrites, mais qui ont généré des répétitions dérangeantes pour l'artiste. "Je n'arrivais pas à dire à mon collègue que sa manière de me toucher me déplaisait. Il me faisait systématiquement passer pour une 'chieuse' auprès du metteur en scène, en prétendant que j'étais 'coincée du cul'", raconte la chanteuse. Un malaise qui prend rapidement la forme d'un harcèlement, à la fois psychologique et physique. Et plus encore. "En pleine représentation, ce collègue a palpé mon sein droit comme de la pâte à modeler, relate la soprano. Et dans la deuxième scène, il a écarté violemment mes jambes en mettant sa tête sur mon sexe".
"J'ai envie de te faire mal, j'ai envie d'y aller", lui aurait même murmuré son collègue durant une représentation. Face à ces agissements qui auraient duré plusieurs semaines, Chloé Briot a exprimé son refus. Une fois, elle a "tenté de [se] recroqueviller" afin que son collègue ne puisse plus la toucher. Puis, elle en a fait part aux assistants du metteur en scène, au metteur en scène et au directeur de l'Opéra de Rennes, en mettant l'accent sur l'absence de consentement répétée au coeur de ces scènes. "Il n'a jamais été question qu'il me pelote le sein", affirme-t-elle.
Suite à cela, des mesures protocolaires auraient été prises par la direction afin d'éloigner les artistes. Cependant, Chloé Briot déplore aujourd'hui un manque de "protection" et de prise en considération, notamment de la part du directeur de l'opéra de Nantes. "J'avais beau décrire la gravité des gestes dont j'étais victime [...] j'étais seule face à mon agresseur, que je retrouvais tous les soirs sur scène", dénonce-t-elle. Des faits qui l'ont incité à porter plainte en mars dernier pour agression sexuelle. Une enquête a finalement été ouverte par le parquet.
En parallèle, c'est dans les médias que l'artiste a décidé de briser l'omerta. Pour que la peur change de camp.
"Je sais ce que je risque, à savoir être écartée des productions, même si on ne me dira pas directement que c'est pour cette raison. Si je ne suis plus embauchée, tant pis, je ne veux plus vivre ça. Je suis cassée, je ne sais pas comment remonter sur scène et je ne dors plus", relate encore la jeune artiste. Avant de poursuivre, toujours du côté de La lettre du musicien : "Je ne sais pas comment faire pour retrouver un chemin paisible dans mon métier et je me sens vulnérable quand je chante. D'ailleurs je n'ai pas pu chanter durant plusieurs semaines après cette agression". Un témoignage édifiant qui en dit long sur les pressions inhérentes à la scène musicale.
Ce que dénonce Chloé Briot, c'est d'ailleurs cette "loi du silence qui règne à l'opéra", dit-elle. Un silence de plus en plus assourdissant. Rappelons que l'an dernier, une enquête interne s'ouvrait à l'encontre du célèbre chanteur d'opéra Placido Domingo, accusé de harcèlement sexuel par neuf femmes. Au sein du dossier, des témoignages anonymes relevant des faits s'étendant sur plus de trente ans - de 1980 à nos jours - et allant des avances physiques aux intrusions dans les loges. Mais pour la majorité des accusatrices, cette attitude était un secret de Polichinelle : bien que non-médiatisée, la réputation du chanteur était déjà connue au sein du milieu.
Une affaire qui en dit long sur la difficulté de parler. D'où l'importance d'une voix comme celle de Chloé Briot. "C'est rarissime dans le milieu de l'opéra (en France surtout) : la soprano Chloé Briot a décidé de porte plainte contre un chanteur pour agression sexuelle. Il en faut du courage pour ne rien lâcher, prévenir les différentes directions et en parler à la presse... Bravo et soutien à elle", a déclaré Aliette de Laleu, journaliste à France Musique. Si rare d'ailleurs que le média voit en la chanteuse "le profil de la lanceuse d'alerte que l'opéra attendait".