Le plaisir ne passe pas automatiquement par l'orgasme, et encore moins par la pénétration. Le sexe n'a pas de règles, il ne consiste pas en un mode d'emploi dont l'issue serait uniquement la jouissance ponctuée de gémissements intenses. Il est aussi essentiel de pouvoir communiquer sereinement avec l'autre sur ses propres besoins, ses envies. De penser à ses propres sensations, sans vouloir à tout prix brosser l'ego de celui qui partage nos nuits ("celui", car les personnes ayant spontanément répondu à notre appel à témoins sont des femmes hétéros).
Seulement parfois, c'est plus fort que soi : on simule. On crie un peu plus fort, on roule les yeux, on plante les griffes dans son dos pour lui signifier qu'on vient de franchir ce cap tant attendu (ou pas, en l'occurrence). En bref, on finit nos coïts en jouant la comédie. Mais pourquoi, au juste, se laisse-t-on aller à cette mécanique, sans laisser non plus sa chance à notre partenaire de s'améliorer ? On vous a posé la question. Et les raisons, pleinement assumées ou non, sont diverses et passionnantes. Et surtout, à lire avec bienveillance.
"Je suis avec mon mec depuis 1 an maintenant et les fois où j'ai joui pour de vrai se comptent sur les doigts d'une main. De cette réalité, il n'en a aucune idée. Le fait de simuler a commencé assez rapidement dans notre relation, quand j'ai vu que ne pas me faire crier minait vraiment son moral. Il le prenait très personnellement, comme si ne pas réussir à me procurer un orgasme mettait en cause sa masculinité. Alors que j'ai toujours eu besoin de temps. Du coup, j'ai prétexté une fois, puis deux, puis trois avoir atteint le 7e ciel assez bruyamment. Jusqu'à ce que ça devienne un réflexe.
Le truc, c'est que je suis un peu prise à mon propre piège maintenant. Car comme il pense que je suis très satisfaite au lit, il ne change rien à ce qu'il pense bien faire - je ne sais pas si je suis claire - et je ne change rien non plus à mon habitude de simuler. On est tou·te·s les deux coincé·e·s dans une routine pavée de certitudes pour sa part et de mensonges pour le préserver pour la mienne.
Parce que c'est bien là la raison pour laquelle je n'arrive pas à dire la vérité : j'ai peur de le blesser en lui avouant que j'en ai déjà (voire souvent) rajouté des caisses. J'ai peur qu'il se vexe, qu'il doute de mon plaisir, de lui-même, de toutes les fois où on a fait l'amour. Et qu'en fin de compte, il ne me croit plus quand je lui fais comprendre que j'aime ses caresses. Voire pire, qu'il ne croit plus que je l'aime, lui."
"Je suis en couple avec quelqu'un qui est très doué sur plan sexuel. Nous vivons une alchimie parfaite. On aime ensemble découvrir de nouvelles pratiques, de nouveaux accessoires, de nouveaux lieux pour s'adonner aux plaisirs charnels. On fait l'amour 3 à 4 fois par semaine et 95 % du temps, nos ébats se finissent en une jouissance sincère, ponctuée de cris sonores ou plus étouffés selon nos humeurs qui signent l'orgasme que l'on vient d'atteindre. Les 5 % qui restent, soit disons un peu plus d'une fois par mois, je prétends.
Je prétends parce que, presque inconsciemment, je me dis que ne pas jouir serait inhabituel. Le rituel ne serait pas fini. Ce n'est pas tant par rapport à mon partenaire que par rapport à moi, d'ailleurs. J'ai besoin de ce moment de relâchement qui, même lorsqu'il est forcé et pas complètement authentique, me fait du bien. Et je sais aussi que ça l'amène lui à avoir un orgasme, de me voir ainsi. Alors c'est gagnant-gagnant."
"C'est un sujet que j'ai du mal à aborder. Je n'ai pas beaucoup d'expériences dans le domaine et je me calque pas mal sur ce que me confient mes amies. Depuis peu, je suis dans une relation qu'on pourrait qualifier de sérieuse avec un garçon de mon âge qui est très gentil, patient, et tout ce qu'on attend d'un copain, en gros. Quand on fait l'amour en revanche, l'étincelle n'est pas au rendez-vous.
J'ai l'impression que c'est chez moi que quelque chose ne va pas, alors je m'applique à pousser des petits cris pour le convaincre que rien ne cloche. Et surtout, pour ME convaincre que rien ne cloche".
"Je ne sais plus comment faire autrement. Parfois, je ne suis même pas près du but que je commence déjà à élever la voix. On dirait que je suis réglée comme une horloge. Après trois doigts et dix va-et-vient, je dégoupille. Bon d'accord, j'exagère un peu (rires), mais vous voyez ce que je veux dire.
C'est devenu un engrenage : je ne sais pas si je réussirais à 'venir' de façon tout à fait sincère si je n'y mettais pas du mien. Sans parler de la tête de mon mari si je lui révélais que mon clitoris n'est pas forcément là où il pense, et que mes vocalises sont légèrement faussées. Il faudrait que je lui suggère de tester de nouvelles choses pour encourager un réapprentissage de certaines bases. En plein couvre-feu, on a le temps de parler sextoys".
"Je mets certainement les pieds dans le plat, mais j'y vais : je simule quand j'ai envie que ça se termine. Pour finir plus vite. Pour aller dormir peinarde sous mes draps en lin et qu'on me laisse tranquille. Alors attention, au début de notre étreinte, j'ai envie. Je ne me force jamais. Seulement celui qui partage ma vie a la fâcheuse tendance de vouloir s'éterniser pendant des plombes, et moi, je ne suis pas une grande fan du coït à rallonge. Dix minutes me vont parfaitement. Lui, évidemment, comme il se réserve pour une performance olympique, fait tout pour que je ne sois pas au bord de l'extase les premières minutes. D'où la technique de la cocotte minute, comme je l'appelle.
Je m'explique : à l'image de l'incontournable appareil de cuisine, je feins une montée en pression quand je sens que je commence à en avoir marre, et que lui passe du bon temps qui n'est pas près de s'arrêter. Je ferme les yeux, je me concentre et je pousse des gémissements de plus en plus intenses, de plus en plus sonores. Ça le rend dingue, il éjacule, j'ai de mon côté passé un savoureux (et court) moment. Et on s'endort paisiblement l'un contre l'autre, comblé·e·s."
"Plus jeune j'avais une vision du sexe assez scolaire. Tout devait se dérouler en étapes. D'abord les baisers, puis les préliminaires, puis la pénétration, puis l'orgasme. Le final en apothéose, toujours. Qui dit rapport sexuel dit forcément orgasme, et si on n'a pas d'orgasme, on n'a pas vraiment fait l'amour. C'est en tout cas ce que j'avais intégré au fil de discussions que je sais maintenant problématiques sur le sujet avec des copines. Pendant plusieurs années, dès que je rencontrais quelqu'un et que ça finissait au lit, je me débrouillais pour lui faire croire que j'avais joui même si ce n'était pas vrai. Pour conclure l'acte, en quelques sortes.
Un jour, j'ai rencontré mon copain actuel. C'était il y a deux ans. J'en avais marre de faire semblant et les premières fois où on a couché ensemble, j'ai pris du plaisir mais je ne suis pas arrivée au point culminant que je pensais indispensable. C'était quand même génial. Et ça ne l'a surtout pas déstabilisé : il a juste pris le temps de mieux connaître mon corps, les zones qui me font décoller, ce qui m'excite ou pas. Un apprentissage en douceur et réciproque qui m'a fait jurer de ne plus recommencer à simuler".