L’école de commerce la plus prisée du monde, la Harvard Business School (HBS), qui forme depuis 1908 les plus grands businessmen américains, peut désormais aussi se prévaloir de sa politique efficace en matière d’égalité des sexes. Tout part d’un constat qui ternit la belle réputation de l’établissement depuis des années : les femmes qui intègrent pourtant l’école avec les mêmes scores que les hommes aux tests d’entrée ne tiennent pas le cap sur la durée. Il devient en outre de plus en plus difficile d’attirer des professeurs femmes, la plupart des jeunes enseignantes préférant jeter l’éponge avant leur troisième rentrée…
Avec le recul, de nombreuses femmes aguerries aux lois difficiles de Wall Street confient que le passage par Harvard est bien plus douloureux que par n’importe quelle salle de marché, décrivant une ambiance de classe, avec des étudiants de première année déjà soudés, ayant fait toutes leurs études ensemble, et des garçons, souvent issus du monde de la finance, qui monopolisent les discussions en classe et qui harcèlent les étudiantes et les jeunes enseignantes de la fac. « On n’était pas censés parler de ça en société », raconte Kathleen L. McGinn, l’un des professeurs qui a supervisé une étude sur l’écart entre les genres. « C’était un sale secret dont il n’était jamais question », ajoute-t-elle.
En 2010, Drew Gilpin Faust, la première présidente femme de Harvard, contribue à briser le silence. Elle nomme un doyen qui promet d’aller beaucoup plus loin que ses prédécesseurs pour revoir les relations entre hommes et femmes dans l’école. Avec son équipe, elle tente de faire changer la façon de parler, d’étudier et d’interagir des étudiants, à travers tout un éventail de nouvelles méthodes et d'outils :
- L’administration a installé des sténographes dans les salles de cours pour éviter la notation biaisée des interventions à l’oral, qui compte pour 50% de la moyenne finale. Il est apparu en effet que les professeurs chargés de noter ces prestations pouvaient dévaloriser inconsciemment les filles.
- Pour les jeunes enseignantes non titularisées, des séances de coaching privées ont été organisées, pour les aider à prendre de l’assurance et à se faire respecter par leurs étudiants.
- Séance de tutorat pour les premières années par des élèves de deuxième année pour encourager les filles à s’imposer et à lever la main en classe.
- La sacro-sainte méthode de l’étude de cas, qui consiste à interroger un seul élève sur la situation d’une entreprise, a été repensée et remplacée par un cours baptisé « Terrain », qui regroupe les élèves en équipes de résolution de problème.
- De nouveaux outils logiciels de notation permettent aux professeurs de contrôler s’ils ont tendance à interroger davantage les filles ou les garçons et s’ils les notent différemment.
- Intervention de speakers et professeurs extérieurs féminins, issues du monde de la finance et des affaires.
- Organisation de sessions de discussion entre étudiants sur l’ambiance et les problèmes de l’école.
- Les dirigeants de l’école ont cherché à imposer une atmosphère plus studieuse à l’école, et à limiter la surconsommation d’alcool.
- Composition des groupes de travail imposée par les doyens, pour éviter que les élèves ne se regroupent qu’entre amis ou qu’entre hommes.
Autant de méthodes qui ont porté leurs fruits, si l’on en croit les retours de la promo 2013. Plus de 70 professeurs, administrateurs et étudiants ont été interrogés et il en ressort d’après eux une augmentation de la participation des femmes en cours, un nombre record d'étudiantes parmi les lauréates de récompenses académiques, et une ambiance considérablement meilleure dans l’école.
Le doyen de la HSB se félicite des résultats obtenus, et veut voir plus loin, considérant l’école comme un porte-drapeau pour toutes les entreprises américaines. Le travail accompli pour la visibilité des femmes doit avoir selon lui un impact fort sur les autres écoles de commerce, les entreprises peuplées d’anciens élèves de Harvard, et dans le classement des 500 plus grandes fortunes du pays, où figurent seulement 21 femmes dirigeantes...
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