Onze candidats et presque autant de projets pour mieux défendre les droits des femmes et défendre – ou non- l'égalité entre les sexes. Alors que se déroule ce mardi 4 avril le premier débat entre tous les candidats à l'élection présidentielle, et ce moins de trois semaines avant le premier tour, on fait le point sur les propositions d'Emmanuel Macron, Benoît Hamon, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en matière de droits des femmes.
Le candidat d'En Marche ! l'a affirmé à plusieurs reprises : il est féministe. Pour preuve, il a déclaré vouloir nommer une femme au poste de Premier ministre et "faire de l'égalité entre les hommes et les femmes une cause nationale".
Conseillé sur les questions d'égalité femmes-hommes par Marlène Schiappa, adjointe au maire du Mans et fondatrice de Maman travaille, Emmanuel Macron se positionne pour une meilleure articulation des temps de vie en promettant notamment un "effort massif de construction de places de crèche", même si aucun chiffrage de la mesure n'a pour le moment été avancé.
Le candidat d'En Marche ! promet également la création d'un congé maternité unique quel que soit leur statut (salariée, entrepreneuse, intermittente, non-salariée, statut multiple, etc.) aligné sur le régime le plus avantageux. En revanche, rien n'est prévu pour inciter les pères à prendre un congé parental, notamment en le rémunérant mieux. À l'heure actuelle, seuls 2% des pères prennent un congé parental, contre 28% des mères. Rien non plus sur la prolongation du congé paternité.
Autres innovations de son programme : l'individualisation de l'impôt sur le revenu pour encourager les femmes qui gagnent moins que leur conjoint.e à continuer à travailler, la réaffirmation du droit à l'IVG, l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes.
En ce qui concerne la parité en politique, Emmanuel Macron promet de présenter 50% de femmes dans l'ensemble des circonscriptions gagnables, ce qui améliorerait grandement la représentation des femmes en politique.
Il veut aussi généraliser le principe du name and shame pour les entreprises ne respectant pas la loi sur l'égalité salariale. Il souhaite aussi "donner au Défenseur des Droits pour mission de favoriser les opérations de contrôle aléatoires et imprévus à grande échelle sur les politiques salariales et de ressources humaines, et de rendre publics les résultats". Y aura-t-il des sanctions contre les entreprises contrevenantes ? Son programme ne nous le dit pas.
L'autre mesure qui nous laisse sceptique, est celle qui propose de sanctionner le harcèlement de rue par le biais d'amendes "pour incivilité pour qu'enfin le harcèlement ne soit plus toléré dans l'espace public". "Exigées immédiatement", ces amendes sont dans les faits difficilement applicables car, comme le souligne Libération, "il n'y a pas de policier à chaque coin de rue, à chaque instant, pour en faire le constat".
Dans son programme, François Fillon réserve un certain nombre de mesures aux mères isolées en généralisant sur l'ensemble du territoire des dispositifs existant déjà : déduction fiscale ou réduction des charges des gardes d'enfants, accès prioritaire aux logements sociaux et aux places en crèche. Les structures d'accueil des jeunes enfants pourront aussi voir leurs horaires devenir plus flexibles pour s'adapter aux horaires de travail des parents.
François Fillon promet aussi de développer l'hébergement d'urgence à destination des femmes victimes de violences et "les encourager à porter plainte" en mettant notamment en place "un cadre sécurisant". Il s'engage aussi à endiguer le harcèlement sexiste et sexuel dont sont victimes les femmes dans l'espace public et en entreprise. Comment ? En "renforçant les dispositifs de signalement du harcèlement sexuel dans les entreprises" et en "sanctionner d'une amende aggravée toutes les incivilités commises à l'égard des femmes dans l'espace public et les transports en commun (insultes, remarques déplacées, sifflements, harcèlement de rue...)". Tout comme Benoît Hamon, François Fillon souhaite augmenter les délais de prescription pour les crimes sexuels.
Il s'engage aussi à appliquer la "tolérance zéro" contre le "sexisme en politique", sans donner davantage de détails pour sa mise en oeuvre.
En matière d'égalité salariale, le candidat LR se place dans la continuité du quinquennat de François Hollande en promettant de "renforcer les contrôles" en faveur de l'égalité salariale dans les entreprises et en "menant des campagnes de sensibilisation pour informer sur l'accès à la mixité des métiers et l'ouverture à toutes les filières".
Fait amusant (toutes proportions gardées), François Fillon explique dans son programme vouloir "effectuer dès l'école primaire un travail de pédagogie sur le respect des femmes avec la création d'un modèle inspirant d'égalité homme/femme". Or, comme le souligne Osez le féminisme, "il s'agit ni plus ni moins de poursuivre les efforts engagés sous l'actuel quinquennat, avec les ABCD de l'égalité". "Quand on connaît les accointances de M. Fillon avec La Manif Pour Tous et Sens Commun, qui ont pollué le débat sur l'éducation à l'égalité à l'école, nous sommes dubitatives sur le contenu de ce travail pédagogique...", note l'association féministe.
Il est intéressant aussi de se pencher sur les sujets que n'aborde pas François Fillon dans son programme. Rien, par exemple, sur le droit à la contraception et le renforcement du droit à l'IVG. Rien non plus sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes ou aux femmes célibataires.
"Je serai un président féministe", a promis Benoît Hamon lors de son grand meeting à Bercy dimanche 19 mars. Seul candidat à avoir publiquement apporté son soutien à l'action "7 novembre 16h34" en faveur de l'égalité salariale, le grand gagnant de la primaire de la gauche entend lutter contre "les inégalités, les stéréotypes, les violences" pour les "générations à venir".
Alignement du congé paternité sur le congé post-natal, création d'un service public de la petite enfance : Benoît Hamon entend être le candidat qui permettra aux femmes et aux hommes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Son Revenu Universel d'Existence, la possibilité de diminuer son temps de travail sans perte financière et le legs de points de retraite au conjoint vont également dans ce sens, tout comme la revalorisation des minimas sociaux de 10%, du SMIC et du point d'indice de la fonction publique.
S'il est élu, Benoît Hamon promet aussi de doubler le budget alloué au ministère des Droits des femmes pour "mener des politiques d'ampleur contre les inégalités". Le candidat PS entend faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité (création de 4 500 places supplémentaires dans les structures dédiées, allongement des délais de prescription), tout comme la lutte contre le sexisme. À ce propos, il a déclaré vouloir créer une brigade anti-discriminations qui "vérifiera régulièrement les pratiques des structures publiques et privées en matière de discrimination", notamment celles basées sur le genre et l'orientation sexuelle.
Il souhaite aussi ouvrir la PMA aux couples homosexuels et aux femmes seules, ainsi qu'ouvrir de nouveaux centres de Planning familial.
Partisan du name and shame comme Emmanuel Macron, Benoît Hamon souhaite rendre publics les noms des entreprises qui ne respectent pas l'égalité salariale. Il veut aussi pénaliser "plus sévèrement les partis qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux législatives par des amendes réellement dissuasives". Reste désormais à savoir si ces deux mesures auront un impact réel.
Le candidat de la France insoumise propose de nombreuses mesures en faveur des droits des femmes, qu'il considère comme un véritable sujet social pour notre pays.
Jean-Luc Mélenchon souhaite ainsi créer 500 000 places en crèche supplémentaires ainsi qu'un service public de la petite enfance. Il est aussi question d'une plus grande harmonisation des temps sociaux et d'une réduction du temps de travail pour permettre aux parents de passer, par exemple, plus de temps auprès de leurs enfants.
Autres mesures phares de son programme : la revalorisation des métiers majoritairement occupés par des femmes, l'augmentation des sanctions financière et pénales contre les entreprises ne respectant pas l'égalité (jusqu'à l'interdiction d'accès aux marchés publics) et l'obligation pour toutes les entreprises d'adopter un accord d'entreprise sur l'égalité femmes-hommes. L'égalité devra aussi devenir la règle dans les institutions politiques, administratives, économique, syndicales et associatives.
Comme Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon souhaite inciter les pères à s'impliquer davantage dans l'éducation des enfants en accordant "des congés parentaux de durée identique entre les parents".
Son programme détaille aussi les mesures qu'il souhaite mettre en place pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Il est notamment question de renforcer la politique de logements prioritaires et d'hébergements d'urgence pour "les femmes en danger" et de l'adoption d'une loi "de lutte contre le sexisme".
Favorable au renforcement du droit à l'IVG et à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, le candidat s'oppose en revanche à la GPA et souhaite l'abolition de la prostitution au nom de la "dignité de la personne humaine".
Marine Le Pen a beau se positionner comme "la candidate des femmes françaises", difficile de voir dans son programme un quelconque élan féministe. Et pour cause : quand la candidate FN parle des droits des femmes dans son programme, c'est aussitôt pour les associer à la "lutte contre l'islamisme qui fait reculer les libertés fondamentales".
"Pour le FN, seuls les immigrés musulmans sont violents à l'encontre des femmes. Ce sont donc eux qui remettraient en cause une égalité déjà là entre les femmes et les hommes sur ce sujet. Il n'y a donc rien sur les violences commises dans et autour de la famille, pourtant lieu privilégié des violences. De plus, s'il s'agit vraiment de lutter contre les violences masculines, alors il manque un budget", rappelle Osez le féminisme.
Pas un mot sur la défense des droits reproductifs et sexuels – source de dissensions au sein même du parti – ni sur l'articulation des temps de vie. En revanche, Marine Le Pen entend "mettre en place un plan national pour l'égalité salariale femme/homme et lutter contre la précarité professionnelle et sociale". Comment ? Avec quel budget ? Rien n'est détaillé.
En revanche, on a du mal à comprendre comment ce point du programme s'accorde avec le rétablissement de "la libre répartition du congé parental entre les deux parents". Cela signifie que "ce sera aux femmes de faire la double journée, vue la répartition actuelle des tâches domestiques et les inégalités économiques au sein du couple, voire, renverra les femmes à la maison", s'inquiète Osez le féminisme. Or, si les femmes sont renvoyées au foyer pour s'occuper de l'éducation des enfants, difficile alors de lutter contre les inégalités salariales.
Le FN reste par ailleurs opposée à toute idée de "discrimination positive" en politique (et donc de parité) ainsi qu'à la PMA pour les couples homosexuels. La candidate frontiste souhaite aussi revenir sur le mariage pour tous en le remplaçant par une union civile, sans effet rétroactif.