Primaires PS : « en cas de succès, l'UMP aussi devra se lancer »
Publié le 26 septembre 2011 à 09:38
Par Marine Deffrennes
Le Président du think tank Terra Nova, Olivier Ferrand, est aussi celui qui a importé le concept des « Primaires » en France. Républicain convaincu, il voit dans les primaires socialistes l’occasion d’une jubilation démocratique et une machine à faire gagner le candidat de la gauche. Dans les starting-blocks avant le premier tour du 9 octobre, il revient sur les enjeux de cette nouvelle élection. Interview.
Primaires PS : « en cas de succès, l'UMP aussi devra se lancer » Primaires PS : « en cas de succès, l'UMP aussi devra se lancer »© AFP
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Terrafemina : Vous avez été à l’origine de l’idée de l’instauration d’une primaire pour la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Pourquoi ce système, calqué sur les primaires américaines, vous semblait-il approprié pour le Parti socialiste français ?

Olivier Ferrand : Avec Olivier Duhamel cosignataire du rapport « Pour une primaire à la Française » publié en 2008, nous avons pensé que c’était un droit démocratique nouveau offert aux citoyens. En 2007, les Français ont eu le choix entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, mais les sympathisants de gauche n’avaient pas voté pour Ségolène Royal, elle avait été élue par 150000 militants. Désormais le candidat élu verra sa légitimité confirmée par 1 à 3 millions de voix. C’est un approfondissement démocratique fort, qui correspond à un basculement de la logique des partis politiques. L’électeur possède un pouvoir décisionnel important : ce n’est pas rien de pouvoir choisir, au sein de la gauche, entre la ligne politique de Manuel Valls et celle d’Arnaud Montebourg. La primaire renforce ainsi le candidat et doit l’aider à gagner.

TF : Pensez-vous que la droite aussi aura un jour ses primaires ?

O. F. : Je pense que si c’est un succès, il sera difficile de ne pas généraliser le dispositif, et l’UMP devra se lancer. Aux Etats-Unis, c’est le parti démocrate qui avait été à l’origine des premières primaires, et le parti républicain a fini par s’aligner. En Italie, Silvio Berlusconi a lui aussi dû copier la primaire organisée par Romano Prodi…

TF : L’attribution de salles et bureaux de vote pour ces élections a posé des problèmes dans certaines municipalités. Pourquoi ne pas avoir privilégié un vote sur Internet ?

O. F. : La question s’est posée, et en effet nous aurions sans doute réuni plus de votants, mais actuellement les systèmes existants ne permettent pas de garantir à 100% la sincérité d’un scrutin online. Des trucages sont possibles et nous ne sommes pas encore armés pour contrôler ces outils. La preuve, nous ne sommes pas encore passés au vote numérique pour les élections républicaines. Je pense aussi que la démarche de se rendre aux urnes est symbolique et jubilatoire pour les citoyens qui s’emparent d’un nouveau droit.

TF : Quel taux de participation escomptez-vous ?

O. F. : Nous avons fixé la barre de succès à un million de participants. Si nous atteignons les trois millions, ce sera un triomphe, et les sondages sont très optimistes pour le moment.

TF : On le constate grâce à ces primaires, la campagne de 2012 se jouera à plein sur le Net. La fondation Terra Nova vient de lancer le site Débats 2012. Qu’apportera-t-il au débat des primaires et à plus long terme, de la présidentielle ?

O. F. : Ce site cherche à mettre en scène le débat politique de fond, pour montrer que ce débat est de qualité et passionnant. Il s’agit d’aider les citoyens à voter en connaissance de cause pour leur candidat. Pour cela, le site établit un comparatif objectif, neutre mais fouillé de chaque programme. Toutes les positions des candidats sont épluchées et mises en perspective par notre réseau d’un millier d’experts. Pendant la campagne, on y trouvera aussi les actus chaudes et les décryptages de la campagne, sans aller chercher les piques et les petites phrases politiciennes. Nous resterons cantonnés sur le fond.

TF : La campagne bat déjà son plein sur Twitter. Que pensez-vous du rôle joué par les réseaux sociaux ? Est-ce que les politiques jouent le jeu du 2.0 ou servent-ils les recettes de communication habituelles ?

O. F. : Tout dépend en effet de la façon dont c’est utilisé. Twitter, comme les blogs, nécessite une prise en charge personnelle du candidat. On veut des réactions à chaud, et cela se vérifie. Les comptes qui marchent le mieux sont ceux qui obéissent à cette règle et l’outil devient alors un instrument politique efficace. En effet c’est parfois périlleux et une gaffe est vite arrivée, mais c’est tout un art, que certains maîtrisent très bien, comme Nathalie Kosciusko-Morizet par exemple.

TF : Les politiques sont-ils prêts à se déployer sur le Net comme l’a fait Barack Obama en 2008 ?

O. F. : La puissance de feu sur Internet est bridée en France par le sous-financement structurel de la politique. Le site Mybarakobama.com a coûté très cher, et son dispositif de campagne est absolument hors de portée pour un candidat français. En 2008 aux Etats-Unis, Internet ne servait pas de média pour relayer la campagne, mais de colonne vertébrale de l’organisation interne. Cela a permis le déploiement de trois millions de sympathisants sur le terrain, gérés par une micro-équipe depuis Chicago. En 2012, Obama va affiner en migrant Mybarakobama.com sur les mobiles et profiter de la géolocalisation pour répertorier le porte à porte des militants sur le terrain. Ce système va lui permettre de créer une base de données géante des contacts et des électeurs démocrates. En face de ce type d’opération, la politique française et ses outils de communication relèvent de l’artisanat.

Crédit photo : AFP

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