L'académie de Stockholm vient de dévoiler son choix : c'est le romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah, auteur de Adieu Zandibar, qui vient de remporter le prix Nobel de littérature 2021. L'artiste a notamment été salué "pour son exploration sans compromis des effets du colonialisme et du sort des réfugiés", comme l'énonce le jury.
Une phrase qui témoigne de la portée politique et sociale du prix Nobel de littérature. Cependant, le choix d'Abdulrazak Gurnah décontenance bien des voix alors qu'un autre nom était jusqu'alors sur toutes les lèvres : celui de la romancière française Annie Ernaux, célébrée pour la force féministe de son oeuvre.
Au Royaume-Uni, Annie Ernaux était même désignée comme la favorite des bookmakers, comme l'explique Courrier International. Le Guardian notamment voyait déjà "l'une des autrices françaises les plus acclamées" grande gagnante. Une occasion manquée pour le jury suédois ?
On est en droit de se poser la question en 2021, année où les écrits d'Annie Ernaux se redécouvrent avec grand intérêt. L'adaptation cinématographique de son roman Passion Simple par la réalisatrice Danielle Arbid, avec Sergueï Polounine et Laetitia Dosch, est encore en salles. Un autre de ses romans, L'événement, a été transposé à l'écran par la romancière et cinéaste Audrey Diwan. Un long-métrage couronné par le Lion d'or à la Mostra de Venise. Le 29 septembre 2021 est également sorti dans les cinémas le documentaire J'ai aimé vivre là, film coréalisé par la romancière, et au sein duquel elle gravite.
Les mots d'Annie Ernaux sont volontiers revalorisés par les livres, manifestes et revues féministes ces dernières années - on a d'ailleurs pu lire une interview de la femme de lettres aux côtés de Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) dans le premier numéro de La déferlante. Et pour cause : les sujets qu'elle a pu aborder au fil de ses romans et récits autobiographiques résonnent plus que jamais au sein d'une société sensibilisée aux enjeux d'égalité des sexes : la question de l'amour au sein des relations hétérosexuelles (thème du dernier essai de Mona Chollet, Réinventer l'amour), l'union conjugale, la sexualité féminine, mais aussi l'avortement.
Un thème central à l'heure où ce droit fondamental des femmes est encore bien trop malmené à travers le monde, outre-Atlantique notamment. Une oeuvre littéraire toujours aussi pertinente donc, et à la portée sociologique assumée. Mais qui ne recevra malheureusement pas les honneurs du Nobel cette année. Et c'est bien dommage.
Depuis la création du prix en 1901, seules 16 femmes (contre 101 hommes) ont reçu le Nobel de littérature.