Quand l'une de nos amies rencontre quelqu'un qui lui plaît et s'installe dans une relation avec cette personne, il y a plusieurs options. Option 1 : on apprécie celui ou celle qui semble la combler. Option 2 : on ne l'apprécie pas vraiment mais il·elle semble quand même la combler. Option 3 : on ne l'apprécie pas du tout, et elle ne nous semble pas épanouie non plus.
On ressent l'emprise qu'il·elle exerce, les effets nocifs que leur couple a sur son bien-être et sa personnalité s'éteindre en sa présence. Elle qui était tout le temps de bonne humeur, sourire aux lèvres, le contraste est flagrant. Quand on tente de creuser un peu lors de rares moments en tête-à-tête, on se retrouve face à un mur de faux-semblant ou à un silence désarmant. Difficile de la faire parler, bien que sa détresse - peut-être encore inconsciente - soit saisissante. Pourtant, en tant qu'amie, on doit agir. Mais pas n'importe comment.
Avant toute chose, mieux vaut s'assurer que l'on ne soit pas à côté de la plaque. Si on peut définir une relation toxique par le fait d'être en couple avec un partenaire malsain qui fait plus de mal que de bien, il existe aussi des signes avant-coureurs (les fameux "red flags", en anglais) qui permettront d'identifier efficacement le problème.
La Dre Carla Manly, psychologue américaine, en énumère plusieurs aux journalistes du magazine HelloGiggles. Elle liste des comportements empruntés par la victime qui peuvent nous aiguiller, comme "la peur de parler de la relation ou les excuses trouvées au partenaire". Et des comportements typiques de celui·celle qui la maltraite psychologiquement. "Si le partenaire est verbalement grossier, dédaigneux, sarcastique ou critique, vous pouvez être relativement sûre que la relation est toxique. Sur le plan physique, il est important de faire attention aux signes de rudesse, de possessivité excessive ou, à l'autre extrême, de désintéressement total".
Elle donne aussi quelques conseils pour ne pas se laisser aveugler par le manque de sympathie que nous inspire celui·celle dont on aimerait libérer notre pote. "Lorsque vous êtes capable de vous détacher et d'observer les signes d'un comportement toxique, vous serez en mesure de faire la différence entre une aversion pour une personne et une aversion pour son comportement et le traitement de votre ami", affirme l'experte.
Histoire d'y voir un peu plus clair, on peut aussi évaluer l'état général de notre amie. En se posant quelques questions adaptées, et en y répondant en toute honnêteté. Comment se sent-elle dans le contexte de sa relation ? Son estime de soi semble-t-elle en souffrir ? Comment la relation affecte-t-elle sa santé mentale et physique ? Comment la relation affecte-t-elle sa qualité de vie, comme ses amitiés, ses intérêts, son travail et sa vie de famille ? Remarque-t-on des changements de comportement qui ne lui correspondent pas ?
Si une ou plusieurs de ces interrogations mènent à des conclusions inquiétantes, voire carrément alarmantes, il est temps de passer du stade d'observation à celui de l'action. En douceur, mais concrètement. Pour cela, la psy considère qu'entamer la discussion en lui demandant comment se passent les choses avec Edouard, Nicolas ou Hortense (ou quel que soit le nom de la personne qu'on aimerait voir disparaître de sa vie) est un bon début. "Elle pourra ainsi saisir l'occasion pour se décharger ou se taire pour parler spontanément de la question un autre jour", développe-t-elle. Le tout restant de lui faire savoir qu'on est là pour l'écouter, si elle en éprouve le besoin.
Pour ce qui est du choix des mots, prudence. Le langage utilisé doit faire l'objet d'une attention particulière : il faut qu'elle se sente à l'aise pour pouvoir s'ouvrir à nous. La spécialiste donne des exemples précis desquels s'inspirer. Des phrases comme "je suis là pour toi", "tu mérites de te sentir bien/validée/ aimée/en sécurité" et "les relations peuvent être si difficiles" qui la rassureront facilement. La sexologue Dre Jess O'Reilly invite quant à elle à se concentrer sur "le partage des expériences plutôt que sur les solutions". Et étaye : "Partagez vos propres vulnérabilités. Si vous agissez comme si vous étiez l'experte et qu'elle est la ratée, il est peu probable qu'elle veuille se livrer".
Pas faux. Le but n'étant pas qu'elle nous donne raison, mais bien qu'elle réussisse à reprendre le contrôle et, avec notre soutien infaillible, s'extirpe de l'aura malfaisante de celui ou celle qui la malmène.
On le disait précédemment, dans cette situation, toute tentative d'intervention peut très bien ne mener à (absolument) rien. On se retrouve confrontée à un mur, métaphore du refus catégorique de se confier ou de voir les choses telles qu'elles sont de notre proche. Là encore, il demeure essentiel de faire preuve de délicatesse et, conseil de psy, de lui foutre la paix pour un temps. Sans pour autant l'abandonner.
"Plutôt que d'insister sur le problème, s'il n'y a pas de violences physiques, il est bon de laisser passer le sujet", admet la Dre Manly. A la place, elle avise de se contenter de phrases positives telles que "J'e voulais juste que tu saches à quel point je tiens à toi', 'Je laisserai le sujet de côté, mais si jamais tu veux en parler - de ça ou de quoi que ce soit d'autre - je suis là pour toi".
Le plus important est d'être présent·e, d'incarner une sorte de bouée de sauvetage vers laquelle elle pourra se ruer quand elle prendra conscience de la nocivité de sa relation. Et en attendant ce moment qui ne saura tarder, l'épauler et lui faire regagner confiance en elle.