En un an et demi, nos vies ont été bouleversées. Au boulot, comme dans la sphère privée.
Avec les multiples confinements et couvre-feux instaurés par le gouvernement en vu d'enrayer la propagation de l'épidémie, le huis-clos est devenu la norme. Quasi plus de sorties autorisées, même pour aller bosser lorsque les conditions le permettaient, on s'est retrouvé·e·s en tête à tête prolongé et obligatoire avec la personne qui partage notre vie. L'occasion de longues soirées à discuter, à jouer, à tenter de se distraire comme on pouvait. Et puis, force est de le constater : l'occasion de s'engueuler.
De remettre en question notre relation, d'identifier des manies de l'autre qui nous sortent pas les yeux, de voir s'exacerber défauts et réflexes qu'on juge, aujourd'hui plus que jamais, insupportables. Au bout de 18 mois à se prendre la tête plus ou moins réciproquement, certains ont procédé à un audit douloureux, et réalisé que la seule issue à leurs problèmes conjugaux serait peut-être encore d'arrêter les frais.
Afin d'estimer comment ces restrictions sanitaires ont impacté négativement les couples français, et saisir l'ampleur des ruptures à venir, l'Ifop a interrogé les premier·e·s concerné·e·s. 3 000, exactement, en rebondissant sur les projections d'Anne Solaz, directrice de recherche à l'INED, qui annonçait une "hausse des divorces dans les prochaines années" dans les colonnes de Libé. On décrypte.
Les chiffres sont édifiants. "Une personne sur quatre en couple admet avoir eu envie de rompre avec son conjoint au cours des périodes de confinement et/ou couvre-feux successifs", remarque l'Institut français d'opinion public. Plus concret encore, au minimum un million d'unions seraient au bord de l'explosion.
Une tendance d'autant plus prononcée chez les plus jeunes, puisque 50 % des moins de trente ans ont répondu à la question par l'affirmative, contre 14 % des plus de 60 ans. En cause, davantage d'expérience et de connaissance de l'autre quand on est plus âgé·e, peut-on imaginer, ou une flemme monumentale de chambouler sa vie ? Ça se tient aussi.
Pour ce qui est des raisons de ce ras-le-bol, elles sont particulièrement genrées. "Pour les femmes ayant le sentiment que les confinements ont distendu leur relation de couple, c'est le manque de communication qui arrive en tête (70%) - devant la mésentente sexuelle (64%) ou le stress lié au travail (59%)", précise l'étude. "Alors que chez les hommes, ce sont les différences de besoins sexuels (67%) qui ont le plus joué".
Un décalage d'envies qui, alors que les échappatoires sont rares, devient source de différends coriaces. Et irréconciliables ?
Si les indicateurs semblent sévèrement annoncer une épidémie prochaine de coeurs brisés, il y aurait toutefois de bonnes chances que le phénomène se fasse encore attendre. Pas par manque de conviction, mais plutôt par confort et prévoyance. On ne sait si ce n'est pas pire.
"L'absence de passage à l'acte est symptomatique d'un certain attentisme, somme toute classique en période de crise, qui tient sans doute à la crainte de la solitude – notamment dans les conditions d'isolement et de rencontre imposées par le Covid-19 – mais aussi à des raisons pratiques et financières", analyse François Kraus, directeur du pôle Genre, sexualités et santé sexuelle de l'Ifop.
Il poursuit, affirmant que "s'il s'avère hasardeux de pronostiquer un 'divorce boom' à l'issue immédiate de la crise, il est probable qu'on assiste alors à une hausse significative des désunions lorsque le contexte sanitaire et économique rendra plus facile les ruptures conjugales." Affaires (sentimentales) à suivre, donc.