Ça fait plusieurs jours, voire semaines, que vous sentez l'autre vous glisser entre les doigts. Après des échanges rythmés, des séances de sexting endiablées et quelques rencards qui, à l'aube d'une ère post-Covid, ne vous ont pas laissé·e indifférent·e, les signes d'intérêt qu'il·elle vous démontrait jadis, faiblissent. Les longs messages se transforment en courtes phrases, parfois sans verbe, et le temps de réponse qui dépassait rarement les 30 minutes avoisine désormais les 12 heures. Critique.
Vous avez pourtant vérifié - à l'aide d'un épluchage soigné de ses publications sur les réseaux sociaux et des informations que vous avez pu glaner ci et là : aucun changement n'est à déclarer dans son emploi du temps. Vous pourriez bien mettre fin à votre rumination et lui parler frontalement de cette distance flagrante, mais difficile d'aborder le sujet sans avoir l'air dépendant·e, pensez-vous.
Dommage, car vous avez de bonnes chances de viser juste. Ces indices ont malheureusement tout du "slow fade" ("disparition lente", en français), une pratique appréciée de celles et ceux qui fuient autant que faire se peut la confrontation - sans avoir le cran de couper brutalement les ponts. A ce sujet, les expert·e·s sont unanimes et affirment qu'elle serait même pire que le ghosting. Explications.
"Le 'slow fade' se produit souvent parce qu'une personne du couple est moins engagée dans la relation et n'est pas assez courageuse pour y mettre fin", dissèque auprès du magazine américain Bustle Christine Baumgartner, coach en relations amoureuses. "Celle-ci devient de moins en moins disponible pour vous voir. Elle est trop occupée pour faire des plans avec vous ou annule ceux prévus au dernier moment". Et de trancher : "Ce comportement est nul parce qu'il n'est pas honnête et n'honore pas les sentiments de l'autre."
Un verdict partagé par nombreuses pros en la matière. "Une seule personne dans le couple sait que la relation est en danger de mort, mais elle n'est pas prête à dire ce qu'elle ressent vraiment", tacle à son tour LifeHacker. "Le résultat est déroutant pour la partie rejetée, principalement parce qu'elle doit décoder tous les signaux et relier les points entre eux, pour finalement découvrir qu'elle est larguée."
A lire la psychologue Dre Jennice Vilhauer, c'est d'ailleurs ce manque de clarté qui rend la technique redoutable et redoutée. Et ce, même lorsqu'elle est pratiquée pour de "bonnes" raisons. "Les personnes qui y ont recours lorsque la décision de mettre fin à la relation est unilatérale, pensent souvent qu'elles sont gentilles en coupant les ponts lentement plutôt que brusquement", analyse-t-elle dans les colonnes de Psychology Today. "Elles se sentent bien dans leur peau parce qu'elles n'ont pas à gérer l'inconfort émotionnel d'une conversation difficile ou les émotions blessées de l'autre."
"Cependant, ce qui se passe réellement, c'est qu'il font preuve de gaslighting sur leur ex-partenaire, l'amenant à se remettre en question et à remettre en question sa propre version de la réalité. Contrairement au ghosting, qui est méchant mais propre parce qu'il ne laisse aucune place à l'incertitude quant à la fin de la relation, le 'slow fade' est une fin prolongée qui laisse le·la futur·e ex plein·e de confusion et de doutes sur soi".
A la fois trompeur et ravageur. A noter que quand on en vient à trouver le ghosting acceptable, c'est dire si on a touché le fond. Heureusement, il y a des façons accessibles d'y faire face sans (uniquement) se morfondre sur notre canapé en se passant du Lana Del Rey.
Sans aucun doute en confrontant celui ou celle qui vous fait tourner en rond. Même si vous auriez aimé ne pas avoir à prendre la responsabilité d'engager la discussion, pour votre santé mentale et votre estime de soi en chute libre, il est judicieux de parler. De constater l'évidence : il y a de l'eau dans le gaz. Et de demander des comptes. Sans accuser pour autant, mais en partant de son propre ressenti, et en ne se contentant pas non plus de (lamentables ?) fausses excuses.
"La personne qui s'efface peut répliquer sur la défensive ou nier le changement de comportement, inventer des excuses au lieu d'identifier et de discuter de ce qui se passe en interne", prévient en ce sens la coach en amour Samantha Burns auprès de Bustle. "Après tout, si elle avait cette perspicacité et cette capacité de communication, elle ne laisserait pas son·sa partenaire dans l'ignorance." C'est dit.
Elle avise ainsi de ne pas la jouer "cool" pour tenter de renverser la situation, ni de rentrer dans le classique mais puéril "fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis", dont les preuves sur le long terme avoisinent le néant. A la place, de reprendre le contrôle en exprimant son point de vue, et notamment qu'on ne mérite pas d'être jeté·e de la sorte. Puis en allant profiter de la réouverture des lieux publics (et finalement, de la vie) pour se changer les idées.
A celles et ceux qui se trouveraient de l'autre côté, et useraient de ce subterfuge par crainte de blesser l'autre ou de ne pas dire ce qu'il faut, la psychologue Dre Paulette Sherman précise à son tour en toute simplicité : "Vous pouvez les traiter de la manière dont vous voudriez être traité·e. Vous n'avez pas besoin d'entrer dans les détails, mais vous pouvez dire que vous ne pensez pas qu'il s'agisse d'un bon match et que cela ne marchera pas. De cette façon, il·elle peut avancer dans sa vie." A imprimer.