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Pourquoi certaines personnes galèrent à répondre aux messages rapidement
Publié le 27 août 2020 à 18:28
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La manoeuvre semble simple et pourtant, cela peut leur prendre parfois plusieurs jours (semaines ?) avant de répondre à un anodin "ça va ?". Il y a une bonne raison à ce délai interminable. La voici.
Pourquoi galère-t-on à répondre aux messages rapidement Pourquoi galère-t-on à répondre aux messages rapidement© Adobe Stock
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On a envoyé cette phrase plus qu'on aimerait l'admettre : "Pardon, j'ai complètement zappé de répondre". Quelques mots écrits à la va-vite qui incarnent - qu'on se le dise - un mensonge éhonté. Ça arrive, d'accord, mais souvent, on est juste submergée par l'afflux de petits mots pro ou perso que les réseaux sociaux et autres messageries instantanées permettent. Voire on a, tout simplement, une flemme monumentale à l'idée de réfléchir à quoi dire de bien intéressant après un "et toi, alors, quoi de beau ?" qui semble demander trop d'efforts. Le lien social digital, c'est génial, mais la charge qu'il a tendance à créer, beaucoup moins. Surtout en temps de pandémie ou la rencontre dans le réel est limitée.

Les membres de l'autre team, celle des assidu·e·s de la réponse, celle composée uniquement de personnes qui ont la fâcheuse tendance de faire les choses sur-le-champ, de respecter les deadlines et de procrastiner rarement (celle à laquelle on aimerait appartenir, finalement), nous regarderont sûrement avec un peu de dédain, une incompréhension certaine et une question qui leur brûlera les lèvres : pourquoi s'infliger ça et ne pas, juste, répondre ? Pas si évident.

Notifications oppressantes

Personnellement, et désolée pour la confession aux concerné·e·s, ma non-motivation vient en majorité, comme décrit plus haut, d'une paresse démesurée qui se transforme ensuite en un bouillon d'angoisse pure. Cocktail explosif. "Je le ferai plus tard", me dis-je en basculant sur Instagram. Et puis "plus tard" arrive, et je me retrouve à culpabiliser de ne pas avoir réagi dans la foulée. Je laisse traîner encore un peu (parce que pourquoi pas) jusqu'à ce que (et c'est le cas à tous les coups) je sois un peu prise au piège du retard accumulé et persuadée qu'il est désormais trop tard pour revenir comme une fleur. Critique.

D'autres fois, c'est l'affluence d'interactions WhatsApp, Messenger et autres DMs qui m'oppresse. Le nombre d'applications dédiées, aussi. Les notifications dansent devant mes yeux comme autant de petites tâches à effectuer. Et je pars souvent du principe que chaque message peut contenir un problème à régler ou une mauvaise nouvelle. Pessimisme, mauvaise volonté ? La psychologue Elena Touroni, elle, penche plutôt pour anxiété. Ce trouble qui s'immisce dans chaque strate de nos vies (et de nos nuits) pour, clairement, la pourrir sans gêne.

"Ce peut être l'affluence (de messages)", concède l'experte auprès de Stylist, "ou des anxiétés sous-jacentes qui conduisent quelqu'un à être un mauvais répondeur", affirme-t-elle.

Elle évoque également une autre hypothèse : celle de se servir de ce délai, de cette attente que l'on impose aux autres, comme d'une façon de contrôler quelque chose qui semble nous échapper. "Comme un moyen de se dire 'C'est à moi de décider quand je reviendrai vers lui ou elle'", poursuit-elle. "D'éviter de se sentir contraint d'échanger avec quelqu'un dans des moments où nous ne le souhaitons pas". Un peu maso si l'on considère que le fait de ne pas répondre finit par nous déclencher une poussée d'eczéma.

Messages substantiels versus gratification immédiate
Quand les notifications dansent devant nos yeux comme des dizaines de nouvelles tâches à effectuer. © Adobe Stock

Il est cependant intéressant d'étudier d'où vient le besoin inverse. Celui d'obtenir une réponse sans attendre. Pourquoi, aujourd'hui, doit-on tout avoir et tout de suite ? Qu'il s'agisse de nos rapports sociaux ou de notre façon de consommer, du texto de notre meilleure amie à notre bol de ramen commandé en ligne : les quelques minutes qui nous séparent de nos envies semblent déjà de trop. Pourtant, l'attente peut avoir ses avantages.

Pour Heather Silvestri, psychologue new-yorkaise interrogée par The Thirty, blog bien-être signé Who What Wear, l'injonction à l'ultra-disponibilité permet peut-être un contact permanent avec nos proches, mais a tendance à affecter la qualité des échanges. "Je pense que la prime culturelle accordée à la satisfaction immédiate contribue à réduire la qualité globale de notre interaction sociale", déclare-t-elle. "Il se trouve que je suis de la 'vieille école' à plusieurs égards, et parmi eux, ma préférence marquée pour une réponse plus réfléchie et plus substantielle plutôt qu'immédiate (et aussi superficielle)".

Prendre le temps deviendrait donc bénéfique si cela mène à un texte plus riche, plus personnalisé, plus soigné. Ça nous parle.

Cela dit, la spécialiste admet que dans certains cas, la rapidité est à encourager. "Si quelque chose est urgent, alors le retard est problématique tant d'un point de vue pratique que relationnel". Elle évoque également une notion de cas par cas, un comportement à favoriser selon le degré d'intimité avec son interlocuteur·ice.

"Plus vous connaissez quelqu'un, plus vous pouvez, et probablement devriez, vous écarter des protocoles stricts d'envoi de SMS", estime-t-elle. Elle avise ainsi d'adapter le temps de son retour en fonction de son lien avec l'autre mais aussi de ses besoins - les leurs comme les nôtres. Une personne proche acceptera ainsi plus volontiers notre procrastination, par habitude mais aussi par confiance (elle sait que le "lu il y a trois semaines" ne trahit rien de personnel) qu'une vague connaissance. Agir en conséquence, donc.

Le juste milieu

Pour les avides de bonnes résolutions (et celles et ceux qui flirteraient avec un ras-le-bol généralisé de la part d'une bonne partie de leur entourage), il existe des solutions. Mais ça ne se fera pas du jour au lendemain, ni sans effort de notre côté. "Pour surmonter quoi que ce soit, nous devons d'abord être suffisamment motivé·e·s pour vouloir ce changement", explique-t-elle, pragmatique. "Vous devez reconnaître que vous n'aimez pas la façon dont vous gérez actuellement vos interactions. Demandez-vous donc si vous souhaitez être quelqu'un de réactif et fiable". A priori, oui.

Elle recommande donc d'affiner son sens de l'analyse, plutôt que de basculer dans l'excès inverse : "Il y a des moments où il est important de répondre à temps, et d'autres où cela peut attendre. Améliorez votre capacité à porter ces jugements. Prenez vos responsabilités et attaquez-vous de front à l'évitement".

On peut aussi imaginer une plage horaire où l'on se consacre entièrement à la gestion de nos messages, afin de ne pas se laisser déborder dès qu'une pastille rouge surgit sur notre téléphone. Savoir qu'on s'en occupera à un moment précis a des chances d'apaiser notre esprit. Un peu catégorique, certes, mais si ça peut nous réconcilier petit à petit avec un réflexe plus spontané, on prend.

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