C'en est fini de SeaFrance. En dépit de l'annonce surprise d'une offre de reprise de la compagnie par Eurotunnel et du déblocage par la SNCF de 36 millions d'euros pour soutenir le projet de Scop, le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la liquidation définitive avec cessation d’activité de la compagnie de ferry calaisienne et rejeté la proposition de reprise par les salariés. Le report d’audience demandé lundi matin par les avocats des salariés suite à la proposition d’Eurotunnel a été jugé « incompatible avec l’urgence de la situation » et donc rejeté.
Le tribunal estime que la seule offre de reprise qu’il avait sous les yeux n’est pas une « offre de reprise valable », et que l’offre d’une Scop (Société de coopération ouvrière de production) présente « le grave inconvénient de ne pas comporter le financement nécessaire pour redémarrer l’activité ». Il manque en effet 50 millions d’euros. La réaction virulente du secrétaire général de la CFDT SeaFrance, Didier Capelle, n’a pas ménagé le gouvernement, qui ne savait pas vraiment sur quel pied danser depuis la mise en liquidation à la mi-novembre de la compagnie maritime. « On peut se demander si les dés n'étaient pas pipés depuis le début, si on n'a pas été liquidés au profit d'un armateur », a-t-il soupçonné sur Europe 1.
La liquidation définitive n’empêche cependant pas la création d’une Scop, en association avec Eurotunnel par exemple, ou avec tout autre repreneur privé. Le jugement du tribunal est d’ailleurs susceptible d’appel. Mais il est permis de douter que les quelque 800 salariés, déjà réticents à la base, acceptent d’injecter leurs primes de licenciement supra-légales (délivrées par la SNCF, principal actionnaire de SeaFrance, pour un montant total de 36 millions d’euros) dans une compagnie dont l’arrêt de mort vient d’être prononcé. Laurence Le Gonidec, membre du collectif des salariés non-syndiqués de SeaFrance a exprimé sur Europe 1 son refus de prendre un tel « risque éventuel » pour un projet qui « n’est pas viable économiquement ».
Me Philippe Brun, avocat du Comité d’entreprise de SeaFrance, déplore « un gâchis énorme », « un gâchis tout d’abord social », et rappelle qu’il faut s’attendre à « 1010 suppressions d’emploi dans les quinze jours qui viennent ». Chargeant le gouvernement pour son absence de « volonté politique ferme et précise » sur l’avenir de SeaFrance, l’avocat estime que la coopération ouvrière « va certainement s’adosser maintenant à Eurotunnel qui pourra proposer d’acquérir un certain nombre d’actifs ». La crainte générale, c’est que des opérateurs privés rachètent les actifs de SeaFrance à bas prix tout en ne conservant que quelques centaines de salariés, comme l’explique Me Brun.
Depuis Berlin où il rencontre Angela Merkel pour étudier l’éventualité d’une taxe Tobin européenne, Nicolas Sarkozy a aussitôt assuré que le gouvernement travaille « à une solution crédible » pour tous les salariés de SeaFrance. Une réunion est organisée mardi par la ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et le ministre des Transports, Thierry Mariani, avec les représentants du personnel et le liquidateur de la société. À quand le point final ?
Élodie Vergelati
Avec AFP
Crédit photo : AFP
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