La séquence du lundi 6 mai semble à peine croyable et pourtant, on est bien devant une émission diffusée à une heure de grande écoute, sur CNews, au XXIe siècle (n'en déplaise à la polémiste Elizabeth Lévy qui semble détester cet argument pour des raisons encore obscures).
Invitée à L'Heure des pros par Pascal Praud, maître du dérapage en direct, Claire Nouvian, militante écolo de l'ONG Bloom et figure de la liste Place publique-PS emmenée par Raphaël Glucksmann aux élections européennes, se tient prête à évoquer la question du réchauffement climatique. L'actualité concorde : l'ONU a livré le même jour un rapport alarmant sur la biodiversité.
Elle pense donc se trouver dans une émission sensée, où chacun prend la parole sereinement et où les débats sont un minimum modérés. Surtout, elle n'imagine sûrement pas mettre les pieds dans un "guet-apens climatosceptique", comme elle le décrira plus tard. Elle sera vite déçue.
L'entrée en matière de Pascal Praud est déjà aberrante : "Le réchauffement climatique alors qu'il fait moins 3 ce matin dans les Yvelines. Donc bon hein". S'en suit une intervention du même acabit d'Elisabeth Lévy, qui part dans un discours étonnant dans lequel elle déclare à Claire Nouvian qu'elle et ses semblables vendent "une religion", en parlant de l'écologie. L'intéressée tente de répondre, on lui rétorque avec une condescendance dramatique qu'il faut qu'elle se calme et qu'elle écoute.
Quand elle explique que cela fait 25 ans qu'elle travaille avec des scientifiques sur le sujet, Pascal Praud lui répond : "Vous vous trompez peut-être depuis 25 ans". Et lui assène qu'elle a une tête "qui n'entre pas dans les studios", et que sa réaction est "suspecte". Si, si, en roue libre.
Les petites phrases pleuvent (Elisabeth Lévy ira même jusqu'à lui lancer un ironique "Ma pauvre, vous êtes une victime" dès que l'invitée s'indignera de la situation), mais la seule à qui on demande de faire preuve de respect, c'est Claire Nouvian. La militante ne se laisse pas démonter, et finit par se faire traiter d'"hystérique" par le journaliste. Situation classique malheureusement, dès qu'une "femme apporte de la contradiction", répond-elle.
Sur Twitter, on s'insurge, à juste titre. Une vidéo qui montre bout à bout toutes les interventions de Pascal Praud est rapidement relayée et son comportement vivement critiqué. Les associations féministes et écolo prennent la défense de l'activiste, tout comme un bon nombre d'internautes, qui n'hésitent pas à tourner les propos du journaliste en dérision.
De son côté, Claire Nouvian répond aux commentaires "sexistes et misogynes" de l'émission en expliquant que "oui", elle est "folle de rage" et en appelle à une "vague pour clamer la nécessité de notre colère", accompagnée du hashtag #JeSuisFolleDeRage, vite repris sur le réseau social. Elle dénonce également le négationnisme, le révisionnisme de cette "tribune rétrograde" dont elle déplore l'accès médiatique dangereux face à l'urgence environnementale.
Pascal Praud, de son côté, se contentera simplement de retweeter les messages de soutien à son encontre et de préciser que le montage ne donne une vue que "parcellaire".
Malheureusement pour lui, l'émission dans sa totalité est encore pire.